Chaque dimanche de juillet, Thomas Vergracht vous embarque pour des duels musicaux permettant au passé et au présent de s’éclairer mutuellement. C'est une dernière émission, colorée et acidulée qui nous attend avec deux rounds très vocaux, dansants, résolument modernes, et franchement hédonistes.
Jean-Philippe Rameau (1683 – 1764) versus Caroline Shaw (née en 1982)
/ LA VOIX /
Associer un musicien baroque français à une jeune compositrice américaine héritière de la scène minimaliste…tout est possible… mais tout a un sens ! Vous allez l’entendre, les deux partagent de nombreuses choses, à commencer par un goût prononcé pour la voix.
Dire que Rameau a commencé sa carrière à 50 ans en composant son 1er opéra serait un peu exagéré. Cela dit, c’est à ce moment-là que sa musique rencontre enfin le succès qu’elle mérite. A partir d’Hippolyte et Aricie en 1733, il devient une espèce de monstre lyrique, composant des opéras comme il respire, avec une aisance confondante, et donnant ainsi libre cours à son don pour des mélodies évidentes, racées, portées des harmonies subtiles.
Caroline Shaw elle, est chanteuse en plus d’être compositrice. La voix revêt un aspect prépondérant pour elle.
Caroline Shaw
The Listeners « n°2 – Let your soul stand cool »
Dashon Burton, Philharmonia Baroque Orchestra, Nicholas McGegan (direction)
Jean-Philippe Rameau
Les Boréades « La troupe volage »
Jennifer Smith, English Baroque Soloists, John Eliot Gardiner (direction)
Caroline Shaw
Rise/Other Song
Caroline Shaw (voix et électronique)
/ LA DANSE /
Caroline Shaw a construit entièrement sa Partita pour 8 voix sous formes de danses baroques. Et en ce qui concerne le XVIIIe siècle, les passages dansés faisaient partie intégrante de la forme des tragédies lyriques, les opéras français de l’époque.
Jean-Philippe Rameau
Les Indes Galantes « Air pour les esclaves africains »
Le Concert des Nations, Jordi Savall (direction)
Jean-Philippe Rameau
Les Boréades « Gavottes I & II pour les Zéphyrs »
Le Concert des Nations, Jordi Savall (direction)
Caroline Shaw
Partita « Courante »
Roomful of Teeth
/ UN PROPOS POETIQUE /
Des musiques naturelles, palpables, cela veut aussi dire des titres forts, avec un propos poétique resserré, concentré. La période baroque, par ses innovations tous azimuts, était propices à l’émergence de ces courtes « pièces de caractères ».
Dans ses Pièces de Clavecin en Concert, Rameau décrit des lieux, des caractères, ou des personnages. La Cupis par exemple, évoque Marie-Anne Cupis de Camargo, qui dansa lors de la création de son opéra Hyppolite et Aricie. Quant à Caroline Shaw, elle décrit sa pièce pour quatuor à cordes Plan & Elévation comme des miniatures représentant des lieux, des architectures bien spécifiques.
Caroline Shaw
Plan & Elevation « The Orangery »
Attacca Quartet.
Jean-Philippe Rameau
Pièces de Clavecin en Concert « La Cupis »
Emmanuel Balssa, Blandine Rannou, Catherine Girard, Valérie Balssa
Caroline Shaw
Plan & Elevation « The Beech Tree »
Attacca Quartet
/ L' HUMOUR /
Caroline Shaw fait régulièrement intervenir dans ses œuvres un second degré proche de l’absurde. Par exemple dans sa pièce Taxidermy, qui utilise un ensemble de pots de fleurs presque comme un gamelan balinais.
Et malgré ses atours savants, on ne sait peut-être pas assez que Jean-Philippe Rameau était un blagueur, participant même à la Société du Caveau des chansonniers, pour lequel il écrit plusieurs canons... dont Frère Jacques !
Dans son opéra Platée, il défi les lois du genre avec cette intrigue tordante et touchante, où une nymphe horriblement laide, va être l’objet d’un jeu de dupe du dieu Jupiter et de ses sbires…
Jean-Philippe Rameau
Platée « Dis donc, pourquoi ? »
Les Musiciens du Louvre, Marc Minkowski (direction)
Caroline Shaw
Taxidermy
Anna Hughes, Nicholas Martinez, Luca Morante, Euphina Yap
Jean-Philippe Rameau
Platée « Qu’elle est comique »
Les Musiciens du Louvre, Marc Minkowski (direction)
Jean-Philippe Rameau
Platée « Chantons Platée »
Les Musiciens du Louvre, Marc Minkowski (direction)
Wolfgang Amadeus Mozart (1756 – 1791) versus George Benjamin (né en 1960)
/ LA MELODIE /
Ce qui marque en premier lieu dans la musique de Mozart, et dans celle de Benjamin, c’est une évidence de la mélodie. Si l’on y prête attention, chez Benjamin comme chez Mozart, tout est mélodie, de près ou de loin.
Si l’on écoute la 1ère des Trois Inventions pour orchestre de chambre de Benjamin, on est happé dans une musique transparente, où les mélodies semblent cachées et s’entremêler sans cesse, tressant ainsi une toile dense, mais toujours claire et parfaitement intelligible.
Et si on tend l’oreille vers l’Andante du Quatuor avec piano n*1 de Mozart, on perçoit cette mélodie qui guide toute la musique, qui irrigue toutes ses veines, toutes ses racines.
George Benjamin
Duet
Pierre-Laurent Aimard (piano), Chamber Orchestra of Europe, George Benjamin (direction)
Wolfgang Amadeus Mozart
Quatuor avec piano n°1 K.478 « Andante »
Michael Barenboim, Yulia Deyneka, Kian Soltani, Daniel Barenboim
George Benjamin
Three Inventions : 1
Ensemble Modern
George Benjamin
Three Studies : Meditation On Haydn’s Name
Benjamin Hochman (piano)
Wolfgang Amadeus Mozart
_Concerto pour piano n°27 K.59_5 : Larghetto
Keith Jarrett (piano), Stuttgart Chamber Orchestra, Dennis Russel Davis (dir).
George Benjamin
At First Light : III.
London Sinfonietta, Gareth Hulse (direction)
/ L'OPERA /
Les deux compositeurs sont des Maîtres de l’univers lyrique. On peut difficilement comparer la dimension de leurs productions respectives. Au XVIIIe siècle on écrit un opéra en quelques semaines, aujourd’hui cela prend en général entre un et deux ans à un compositeur. Toutefois, Mozart et Benjamin partagent encore beaucoup de choses sur ce plan : Efficacité du drame, écriture vocale en forme de dentelle sonore, intensité maximale des émotions.
George Benjamin
Into the Little Hill : Part 1. The Crowd
Anu Komsi, Hillary Summers, Ensemble Modern, Franck Ollu (direction)
Wolgang Amadeus Mozart
Le Nozze di Figaro K.492 : Acte 2, duettino « Aprite, presto, aprite »
Christiane Karg, Angela Brower, Chamber Orchestra of Europe, Yannick Nezet-Séguin (direction)
George Benjamin
Lessons in Love and Violence : Part 2 scene 6 « Here, look is the living King »
Gyula Orendt, Stéphane Degout, Netherland Radio Philharmonic Orchestra, George Benjamin (direction)
Wolfgang Amadeus Mozart
Don Giovanni K.527. Acte 1 « Giovinette, che fate all’amore »
Mojca Erdmann, Konstantin Wolff, Chamber Orchestra of Europe, Yannick Nézet-Séguin (direction)
Wolfgang Amadeus Mozart
Cosi Fan Tutte K.588 : Acte 1 « Soave sia il vento »
Miah Persson, Angel Brower, Alessandro Corbelli, Chamber Orchestra of Europe, Yannick Nézet-Séguin (direction)
George Benjamin
Written on Skin. Part 2, scene XV
Bejun Mehta, Chamber Orchestra of Europe, George Benjamin (direction)
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