Portrait d'Axelle Saint-Cirel, lauréate du Concours des voix des Outre-mer 2023

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Portrait d'Axelle Saint-Cirel, lauréate du Concours des voix des Outre-mer 2023

Par
Axelle Saint-Cirel, lauréate du 5e concours Voix des Outre-mer
Axelle Saint-Cirel, lauréate du 5e concours Voix des Outre-mer
- QuentinprodPhoto/ Voix des Outre-mer

La mezzo-soprano Axelle Saint-Cirel a remporté la finale du 5ème concours Voix des Outre-mer, qui s'est tenu à l’Opéra Bastille sous le marrainage de la soprano Sabine Devieilhe. Rencontre.

Après plusieurs années d’études musicales au Conservatoire de Montbéliard, Axelle Saint-Cirel découvre le chant lyrique. Elle collabore avec des musiciens aussi divers qu'Anne Paceo, Philippe Hersant ou encore Camélia Jordana, et chante dans le cadre de la production Nox de Jacobo Baboni-Schilingi à Tokyo, New York, Beijing et Shanghai.

Elle intègre le Pôle Supérieur de Boulogne Billancourt en 2017, période durant laquelle elle chantera dans le cadre de créations au Liban avec l’Orchestre Symphonique de Beyrouth et le Chœur de Notre-Dame de Louaizé. En 2019, Axelle intègre le Conservatoire Supérieur de Musique et de Danse de Paris et y poursuit son enseignement dans la classe de Valérie Guillorit. Elle reçoit les encouragements du jury lors de sa première participation au concours des Voix des Outre-mer en 2021, avant de remporter début février le Grand Prix lors de cette 5ème édition, parmi douze candidats et candidates issus de tous les territoires ultramarins.

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Samedi à l'opéra
2h 58

France Musique : Quelles sont vos impressions suite à votre participation au 5ème concours Voix des Outre-mer ? Comment avez-vous vécu cette opportunité de chanter à l'Opéra Bastille ?

Axelle Saint-Cirel : Ça s'est très bien passé. J'ai déjà participé il y a deux ans et à ce moment-là, c'est un autre candidat qui avait remporté le Grand Prix. Je me suis représentée cette année en prenant en compte les retours à la suite de cette première expérience. J'ai choisi de chanter un air de Niklausse des Contes d'Hoffmann de Jacques Offenbach, que j'ai préparé avec mon professeur de chant. C'est un rôle que j'ai chanté en Martinique avec les Voix des Outre-mers, avec des collègues différents, ce qui m'a aussi aidé. Une semaine avant le jour du concours, nous avons eu des masterclass avec Fabrice di Falco et d'autres professeurs pour peaufiner les détails. Cette année, j'étais plus confiante. Je connaissais déjà la salle, je connaissais bien la pianiste, et ça s'est très bien passé.

Quel est votre lien avec la Guadeloupe ? Connaissez-vous la situation de l'enseignement musical là-bas ?

Mes parents sont Guadeloupéens, la moitié de ma famille y est encore. Je suis née en région parisienne, ensuite j'ai passé une partie de mon enfance en Malaisie pour revenir dans l'Est de la France. Je suis revenue en région parisienne pour mes études, j'ai fait le conservatoire depuis toute petite. J'allais régulièrement voir ma famille en Guadeloupe, mais c'est suite à la rencontre avec Fabrice que j'ai eu un déclic, c'est lui qui m'a fait prendre conscience que sur tous les DOM-TOM, il me semble que la Réunion est la seule où il y a un conservatoire de musique qui délivre des diplômes. Dans d'autres territoires ultramarins, il n'y a pas de lieu qui permettrait d'avoir des diplômes et de se former professionnellement auprès des professeurs, alors qu'en Métropole, tous les département en bénéficient. Ce qui veut dire que si on veut commencer la musique jeune, c'est toute la famille qui doit déménager, c'est évidemment impossible pour la majorité des gens.

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Comment êtes-vous venue à la musique ?

J'ai commencé par le chant. Une grande tante du côté de ma mère est pianiste, mon père a appris la flûte traversière en autodidacte et ma mère a fait de la danse pendant très longtemps. Ils écoutaient de la musique classique et du jazz. Enfant, j'ai beaucoup regardé les dessins animés, comme Fantasia, et me suis fait une culture musicale à travers mes parents depuis petite. Ensuite, j'ai intégré la maîtrise du conservatoire de Montbéliard. On avait une demi-heure de cours de chant par semaine avec une pratique instrumentale complémentaire : j'ai fait du piano. Des cours de culture musicale aussi, d'analyse... Il y avait aussi la danse baroque, du théâtre, c'était très complet.

Reportage
4 min

A quel moment décidez-vous de devenir chanteuse ?

Le chant pour moi a toujours été une évidence, parce que c'est un instrument qu'on a en soi. Pour moi, la question ne s'est jamais posée. Après, la question d'en faire un métier est venue quand nous sommes partis avec la maîtrise en tournée en Chine. C'est la première fois que j'ai voyagé, que je suis montée sur une scène. Ensuite, Anne Paceo est venue en résidence sur tout un semestre, et nous avons fait la première partie de son concert. Anne m'avait demandé de faire une voix supplémentaire sur le concert suivant. Ce fut pour moi un déclic, sur ma voix, et sur le fait de vouloir partager la scène avec des collègues et partager ma voix avec le public. D'être seule sur scène, d'avoir cette responsabilité. Je me suis rendue compte que c'était un métier incroyable. La première fois que j'ai chanté avec un orchestre aussi, je me souviens, c'était une sensation incroyable. Je me suis orientée vers le lyrique parce que c'est là où je m'épanouis le plus. J'ai l'impression d'être complète quand je chante.

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Vous citez Anne Paceo, une jazzwoman, mais vous êtes curieuse de tous les répertoires. Avez-vous un domaine de prédilection ?

Pour le moment, étant donné que ma voix bouge beaucoup, j'arrive plus facilement à trouver des choses dans la mélodie française, que j'adore notamment pour ce rapport avec le texte et la minutie qu'il faut pour interpréter ces œuvres. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'en faut pas pour l'opéra. C'est juste qu'il y a des couleurs différentes à trouver dans la mélodie et dans le Lied. Mahler, Berlioz, Debussy, Wolf, Schubert, c'est tellement dur, mais incroyable à chanter. Après, vu que ma voix est en train de s'affirmer de plus en plus, je suis encore à un stade où je peaufine mon répertoire pour les concours et pour les auditions. En opéra, je découvre tellement de choses que je me permets encore l'ouverture.

J'aime beaucoup Mozart, j'aime le bel canto, mais je suis en train de commencer à le découvrir réellement parce que ma voix me permet de le faire. J'aime le baroque, aussi, sauf que ce sont des modes de chant qui sont très différents. Et vu que ma voix commence à s'installer et évolue de semaine en semaine,  je suis encore en train de trouver le répertoire qui me va le mieux.

En quoi votre expérience dans la maîtrise a influencé votre rapport au chant ?

Le fait de chanter en chœur, quand on est enfant, forme l'oreille. On est obligé d'être très attentif, très à l'écoute et c'est quelque chose de nécessaire par la suite dans une carrière de soliste. Mais le fait d'être soliste est beaucoup moins contraignant vocalement. Du moins, je l'ai senti comme ça, j'ai moins l'impression de chanter sur des œufs. Quand on est en chœur, si on a une voix un peu plus grande, on peut nous demander de chanter moins fort, de se fondre dans le son du collectif. M'affirmer en soliste m'a libéré vocalement.

Un des aspects importants du concours des Voix des Outre-mer est évidemment cet engagement de mettre en valeur les talents des DOM-TOM. Vous sentez-vous aussi investie dans cette mission?

Oui, je me sens vraiment concernée parce que j'ai la chance d'avoir eu des parents qui m'ont transmis leur amour de la musique classique. Je n'ai pas eu la chance de grandir en Guadeloupe, mais je me dis si j'avais grandi en Guadeloupe, je n'aurais peut-être jamais été chanteuse. Il y a dans les territoires ultramarins beaucoup de belles voix. Et là-dessus, Fabrice di Falco a raison : on peut avoir une belle voix mais ne rien en faire parce qu'on n'a pas d'infrastructures, de lieux où se perfectionner, se tester... Parce que même si on n'en fait pas une profession, le fait de chanter ou de pratiquer un instrument est important pour l'accomplissement de soi. Le fait que je vienne de Guadeloupe sera important pour les gens sur place.

Reportage
4 min

A terme, ce qui serait bien, c'est d'équiper les DOM-TOM avec des formations, comme en Guyane avec le ballet, ou à la Réunion, où il y a un conservatoire et un orchestre, pour que les jeunes qui font de la musique ne soient pas obligés de quitter leur famille et partir loin de chez eux à 12, 14, ou 16 ans parce qu'ils veulent faire du chant. Heureusement, il y a des masterclass que Fabrice di Falco donne sur place pour avoir un suivi, parce qu'il n'y a pas de conservatoire pour le moment. J'espère que le fait de remporter le concours en tant que représentante de la Guadeloupe servira à donner plus de visibilité à ces initiatives pour qu'elles se poursuivent et donnent des résultats concrets.

Souhaiteriez-vous vous impliquer personnellement dans la formation des jeunes chanteurs dans les DOM-TOM ?

J'adorerais faire ça, mais avant je veux être prête, avoir suffisamment d'éléments pédagogiques, je veux être une bonne chanteuse pour donner de bons conseils et savoir de quoi je parle. Une fois que j'aurai fait quelques opéras sur de grandes scènes, ça sera avec plaisir, parce que j'aurai déjà touché du doigt la réalité de notre métier.

Le concert de 20h
2h 31