Poursuite des cours en conservatoires, le flou se dissipe lentement

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Poursuite des cours en conservatoires, le flou se dissipe lentement

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Le conservatoire de Paris s'apprête à poursuivre l'accueil de ses élèves, dans des conditions limitées
Le conservatoire de Paris s'apprête à poursuivre l'accueil de ses élèves, dans des conditions limitées
© Getty

Dans l'urgence du reconfinement national, les conservatoires tentent de mettre en œuvre la continuité pédagogique... pour appliquer les mesures qui se dessinent dans une situation de flou lentement dissipé.

Article mis à jour le 5 novembre à la demande de Romain Leleu, des chef.fes de département du CNSM de Lyon, et enfin de son directeur Mathieu Ferey

Dès les premières minutes de sa conférence de presse d’hier jeudi 29 octobre, Jean Castex faisait savoir que les établissements « qui proposent des activités extra-scolaires sportives ou artistiques comme les conservatoires ou les clubs de sport » étaient désormais fermés. L’intervention de Roselyne Bachelot a pourtant ménagé une place au doute concernant les établissements d’enseignement supérieur, la Ministre précisant que si les cours sont dispensés à distance, « les modalités de maintien des travaux pratiques et des ateliers dans le strict respect des conditions sanitaires (devaient) encore être précisées ».

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Le décret du 29 octobre prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, publié aujourd’hui (30 octobre) au journal officiel apporte néanmoins de nouveaux éléments dans son article 35, qui prévoit en son alinéa 6 que « Les établissements d'enseignement artistique mentionnés au chapitre Ier du titre VI du livre IV de la deuxième partie du code de l'éducation et les établissements d'enseignement de la danse mentionnés au chapitre II du titre VI du livre IV de la deuxième partie du code de l'éducation sont autorisés à ouvrir au public, pour les seuls pratiquants professionnels et les établissements mentionnés à l' article L. 216-2 du code de l'éducation pour les élèves inscrits dans les classes à horaires aménagés, en troisième cycle et en cycle de préparation à l'enseignement supérieur. »

Une excellente nouvelle semble-t-il pour les conservatoires. On relève néanmoins que seuls les parcours aménagés et cursus d’orientation vers l’activité professionnelle sont concernés.

Laurent Ronzon, directeur du conservatoire à rayonnement communal de Saint-Malo, qui prend acte de ce décret, a pour sa part transmis une étude d’impact au maire qui pourra autoriser ou non l’ouverture du conservatoire : « l’autorité territoriale est compétente pour décider d’ouvrir ou de fermer un établissement recevant du public. Dans notre cas, les parcours des classes à horaires aménagés et le troisième cycle concernent 8 % de l’effectif du conservatoire, et 56 professeurs. »

La lettre du décret crée cependant un vide à l’endroit des conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse, placés sous la tutelle du Ministère de la culture.

« Nous avions été oubliés dans les textes sur le déconfinement au printemps dernier, l’amendement est sorti deux jours plus tard. Nous attendons de voir s’il en sera de même cette fois-ci », explique Clément Carpentier, responsable du département parisien des disciplines instrumentales classiques et contemporaines.

Un texte est encore attendu, mais la réponse a été donnée dans l’après-midi de ce vendredi premier jour de confinement, à l’issue de discussions menées avec la direction générale de la création artistique (DGCA) du Ministère de la culture : une heure d’instrument par élève instrumentiste pourra être maintenue chaque semaine, tandis que le reste de l’enseignement sera poursuivi à distance. Cette règle devrait s’appliquer également à la musique ancienne.

« J’ai consulté les représentants de mon département ce matin. Ils sont extrêmement inquiets et un peu échaudés après avoir vécu le dernier confinement », relève Clément Carpentier_._ Sans compter l’aspect humains pour les élèves qui souvent habitent seuls dans un petit studio à Paris, avec des voisins en télétravail… « C’était important pour nous de maintenir une partie des cours, même s’ils sont réduits drastiquement. » L’accès aux box pour le travail individuel sera également possible, bien que limité. « De la même manière qu’en mars dernier, nous mettrons en place un suivi un peu rapproché des élèves, de leur santé, en les mettant si besoin en contact avec la cellule d’aide psychologique. »

Les questions au CNSMD de Lyon se posent également : son directeur Mathieu Ferey a fait savoir sur les réseaux sociaux que les portes de l’établissement seraient fermées ce vendredi et tout le week-end, dans l’attente de consignes plus précises concernant l’enseignement supérieur, avec l’annonce d’une communication apportant de nouveaux éléments d’information dans la matinée du 2 novembre au plus tard.

Romain Leleu, professeur de trompette au CNSM déplore de son côté le manque d’informations et de communication « J’ai reçu deux mails : un premier pour dire qu’ils attendaient, puis un second nous annonçant que le conservatoire fermait... »

Une opinion que ne partagent pas les chef.fes de département du CNSMDL. Ces derniers affirment, dans un mail envoyé par le professeur David Selig, que « moins de 36 heures après l’annonce du confinement, la continuité pédagogique était organisée dans des conditions validées par les autorités sanitaires. ». Une continuité qui, poursuivent-ils, « a été discutée collégialement lors d’une réunion de crise dans laquelle tous les départements étaient représentés (...) une attention très forte a été portée à ce que chaque étudiant· e ait la possibilité de vivre au mieux, artistiquement, pédagogiquement, techniquement et humainement cette période de crise ».

Jusqu'à présent, l’insuffisance de l’équipement suscitait le désarroi de Romain Leleu : « le conservatoire ne dispose que de quatre vitres en plexiglas pour l’ensemble des étudiants et professeurs. Nous sommes confrontés à un manque de matériel, et de moyens… il m’est arrivé d’apporter moi-même le nécessaire concernant le gel hydroalcoolique et les rouleaux de papier essuie-tout ». De son côté, le directeur du conservatoire Mathieu Ferey indique au contraire « des points de distribution de gel hydroalcoolique installés à tous les points clés de nos bâtiments, tandis que des produits désinfectants et essuie-tout à disposition des enseignants ont été rendus disponibles à l’accueil de l’établissement avant de pouvoir être progressivement installés dans les salles de cours ». Quant aux dispositifs de séparation évoqués par Romain Leleu, le directeur affirme que « Leur déploiement dans les salles de cours s’est faite en fonction des recommandations de la médecine du travail puis, à (sa) demande expresse, une commande a été effectuée pour qu’on puisse multiplier ces dispositifs au-delà de ces seules recommandations. C’est effectivement cette commande dont la livraison a pris du retard. » 

Le flou se dissipe donc lentement, dans une situation qui appelle à une vigilance extrême à l’égard des étudiants qui ont déjà été privés du contact de leurs professeurs pour une très grosse partie de l’année passée.