"Quand ils m'écoutent, ils se sentent plus forts" : en Ukraine, Vera Lytovchenko joue depuis son sous-sol
Par Louis-Valentin LopezFrance Musique s'est entretenue avec Vera Lytovchenko, réfugiée avec ses proches dans un sous-sol de Kharkiv, où les bombes pleuvent au quotidien. Ses vidéos sont visionnées des millions de fois : "La musique est un moyen de montrer que je n'ai pas abandonné".
« J’étais sous le choc, confuse. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait, pourquoi cela se passait », raconte-t-elle à France Musique. Comme beaucoup d’habitants de Kharkiv, le quotidien de Vera Lytovchenko a basculé du jour au lendemain. Jeudi 24 février, elle descend dans le sous-sol de son immeuble, pour se protéger des bombes qui ne tardent pas à s’abattre sur la deuxième plus grande ville d’Ukraine. La violoniste a emporté son instrument avec elle. Habituellement, elle joue dans l’Orchestre de Kharkiv et donne des cours au collège. Vera Lytovchenko décide alors de jouer du violon « pour son père et ses voisins », réfugiés à ses côtés dans le sous-sol sombre.
Puis, la musicienne de 39 ans voit passer sur les réseaux sociaux la vidéo d’une de ses élèves, en train de jouer un morceau de Bach dans une station de métro où elle s’est abritée. « Je me suis dit que je devais faire quelque chose d’équivalent ». Vera Lytovchenko commence alors à poster elle aussi des vidéos sur son mur Facebook. Des airs de Tchaïkovski, de Vivaldi, des chansons traditionnelles ukrainiennes… « Au début, c’était juste pour mes amis, pour leur montrer que j’étais en vie, que j’allais bien. » Mais très vite, les réactions admiratives et les soutiens affluent, ses vidéos sont visionnées des milliers de fois. « Beaucoup de gens ont commencé à m’envoyer des messages. Les Ukrainiens me disent que ma musique les aide à se sentir moins seuls. Que quand ils écoutent ma musique, ils se sentent plus fort. »
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"Voir que je suis en vie, que je n'ai pas abandonné"
La jeune femme confie qu’il lui est « très difficile de jouer. Je me force, car c’est difficile psychologiquement. Maintenant, je joue presque tous les jours, environ une demi-heure, pas plus. Mes voisins, mes amis peuvent voir mes vidéos sur Internet. Voir que je suis en vie, que je n’ai pas abandonné. » Des mélodies qui résonnent avec force dans le sous-sol, tandis qu’à l’extérieur, le bruit de bombes est devenu quotidien : « Je peux entendre les bombardements tous les jours, presque tout le temps. C’est terrible, c’est vraiment terrifiant. Ces derniers jours, plusieurs bombes sont tombées dans ma rue. Et hier, une bombe a atterri juste à côté de mon immeuble. Les vitres de mon appartement ont volé en éclat, c’était très effrayant. »
Vera Lytovchenko continue malgré tout de manier l’archet, inlassablement. « Je suis violoniste. La seule chose que je peux faire, c’est jouer du violon. Je ne suis pas un soldat, je ne suis pas une politicienne, je peux juste jouer ma musique pour aider. Dans cette situation, la musique est un moyen de montrer que je suis forte, et que je continuerai de me battre. »
La musicienne, qui joue aussi pour l’opéra et le ballet de Seattle aux États-Unis, aimerait à présent profiter de sa notoriété nouvellement acquise pour lever des fonds, et lance en ce moment des appels aux dons sur Facebook et Instagram. « Cela permettrait d’aider mes amis qui ont perdu leurs maisons, leurs instruments, sont dans le besoin. Certains ont aussi dû quitter Kharkiv et sont à l’étranger, dans des situations difficiles. Tout ce que j’espère maintenant, c’est que la guerre se termine bientôt, pour aider à reconstruire la vie culturelle de ma ville. »