Rencontre avec Sélim Mazari, révélation des Victoires de la musique classique 2018
Par Aliette de LaleuLe pianiste Sélim Mazari est nommé dans la catégorie “Révélations soliste” des Victoires de la musique classique 2018 . Portrait en cinq questions
Sélim Mazari commence le piano vers l’âge de 5 ans. Il prend ensuite des cours de solfège à Asnières Gennevilliers puis au Vésinet avant d’intégrer le CNR (aujourd’hui CRR : conservatoire à rayonnement régional) de Paris dans la classe de Pierre Réach. Vers 10 ans il reçoit l’enseignement de la pianiste Brigitte Engerer et entre au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, où il étudie jusqu’à l’âge de 20 ans. Il quitte ensuite Paris pour étudier en Master au Royal College of Music à Londre puis déménage à Vienne où il suit actuellement les cours d’Avedis Kouyoumdjian.
- France Musique : Comment avez-vous commencé le piano ?
Sélim Mazari : Je ne viens pas d’une famille de musiciens, mais d’une famille de mélomanes. Ma chance a été d’avoir pour voisine une élève de Brigitte Engerer et, quand j’avais 2 ou 3 ans, je l’entendais travailler ses programmes pour le CNSM. Il paraît que dans ces moments-là, j’étais très sage, ce qui devait être assez rare ! C’est cette voisine qui m’a fait commencer le piano. Cinq ans plus tard, j’ai participé à l’académie de Nice de Brigitte Engerer , puis j’ai rejoint sa classe.
- A quoi pensez-vous quand vous jouez ?
Une grande part de la concentration repose sur l’anticipation, ce qui vient après c’est la mémoire. Quand on joue, on est aussi récepteur, donc je corrige en fonction de ce que je viens d’entendre. Ca, c’est pour la partie analytique.
Quand je joue, j’aime aussi penser au discours. Par exemple, si c’est une musique rhétorique, je pense à l’aspect d’une phrase musicale dans sa globalité : est-ce qu’elle elle a été répétée, est-ce qu’elle est jouée pour la première fois. Je n’ai pas souvent d’images visuelles des choses, je suis plus littéraire. Je développe davantage des images lorsque je travaille. Je me pose sur deux mesures, je les écoute, je réfléchis. Il y a une vision que j’aime bien - celle que Neuhaus employait en parlant de Richter - celle d’un aigle qui survole un paysage.
- Comment travaillez-vous votre instrument ?
Je travaille très lentement. Pas seulement pour enregistrer le geste, mais aussi pour me permettre de prendre le temps d’entendre les harmonies, d’entendre les passages qui seraient négligés si je devais aller trop vite. Je confronte ça à un travail plus rapide, plus global. Tout le reste de mon entraînement consiste à zoomer et dézoomer sur les passages d’une oeuvre. Je fais beaucoup de musique de chambre et j’adore déchiffrer donc, tous les matins, soit je réduis une partition pour travailler la lecture, soit je déchiffre. C’est un peu ma gymnastique du matin !
- Si vous n’aviez pas été musicien, vous auriez été...
C’est difficile de répondre à cette question car j’ai grandi en tant que musicien. Avant même de faire du piano, je voulais être pianiste, sans savoir ce que cela voulait dire, ni les tenants et aboutissants. Par contre je ne suis définitivement pas un scientifique, donc j’aurais peut-être choisi quelque chose dans la littérature.
- Dans le programme que vous jouez ce soir, est-ce qu’une oeuvre vous tient plus à cœur et pourquoi ?
Les trois me tiennent à cœur. La globalité du programme me plaît, que ce soit les trois aspects de mon jeu pianistique, trois aspects de ma vie aussi, trois œuvres que j’ai travaillées à des époque différentes. J’adore la finesse de son, le touché perlé du Mendelssohn. Le Scarlatti, pour moi, est une merveille contrapuntique. Et la toccata de Prokofiev a quelque chose des Temps modernes de Chaplin version Prokofiev, quelque chose de mécanique du début à la fin qui est fascinant. Je n’ai pas de préférence mais c’est le contraste entre les trois que je trouve super, passer d’un univers à un autre.