Rénovation totale pour le grand orgue de Notre-Dame de Paris
Par Laurent Borde
Plus d’un an après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le grand orgue a été déposé le 9 décembre avec deux mois d’avance sur le calendrier. Une opération complexe pour l’instrument qui n’a pas été touché par les flammes mais qui doit tout de même être nettoyé.
Le grand orgue de la cathédrale Notre-Dame, composé de 8 000 tuyaux répartis en 115 jeux, vient d’être déposé afin d’être nettoyé et rénové, pour ôter notamment la poussière de plomb qui s’est déposée lors de l’incendie du 15 avril 2019. Une opération délicate pour l’instrument. Christian Lutz, organologue, technicien-conseil auprès des monuments historiques, mandaté par l’établissement public pour réaliser la maîtrise d’œuvre du chantier de dépose du grand orgue explique que "l’instrument est fragile. Les tuyaux de métal sont faits d’un alliage de plomb et d’étain. C’est un métal qui est assez mou donc à chaque choc, il peut y avoir une bosse, il peut y avoir une déformation. Ca demande une extrême prudence. Il faut y aller avec les plus grands soins comme si c’étaient des pièces de musée. En même temps, c’est un instrument qui a été fait par les meilleurs facteurs d’orgue de l’époque. On peut donc estimer que la tuyauterie est d’une très grande qualité. Ce n’est pas une fragilité comme dans d’autres instruments de facture moindre."
De son côté, Mario D’Amico, Facteur d’orgue au sein de l’atelier Quoirin et chef du chantier de dépose du grand orgue, précise qu'il a fallu s’adapter à l’instrument édifié en 1733 : "si on stocke les tuyaux de manière horizontale, ils vont se déformer. On va perdre l’harmonique. C’est pour ça que tout est stocké à la verticale. On a construit presque 300 caisses, remplies de bulles et de matériaux amortisseurs, pour emballer tous les tuyaux."
La restauration, qui va débuter en 2021, risque d’être longue selon Christian Lutz puisque "les tuyaux, qui sont pour l’instant entreposés dans des containers, vont être transportés dans l’atelier ou les ateliers des facteurs d’orgues qui seront retenus à l’issue d’un appel d’offre. Ca consistera essentiellement à décontaminer toutes les pièces qui ont été empoussiérées. Il faudra aussi restaurer certains éléments qui ont été abîmés, peut-être déjà avant l’incendie, notamment les sommiers qui sont ces pièces de bois sur lesquels reposent les tuyaux, ainsi que les soufflets. Certaines parties non décontaminables devront être remplacées, par exemple la peau de mouton qui sert en fait de joint d’étanchéité. Il faudrait la laver à grande eau mais dans ce cas, elle se déforme complètement. Ce n'est donc pas possible. Toutes les peaux devront être remplacées."
Pour Mario D’Amico, l’opération est également délicate : "la restauration d’un orgue de cette taille va prendre probablement deux ans de travail. C'est l'orgue le plus grand de France. Après, l’installation à la cathédrale et l’harmonie peuvent prendre huit mois à un an. C’est un système hyper complexe pour tout remettre à sa place et qu’il soit bien réglé. Ca peut prendre des mois et des mois de travail. "
Le grand orgue de Notre Dame est, pour le moment, déposé dans un entrepôt dont le lieu est tenu secret afin de ne pas attiser les convoitises de toutes sortes. Sa restauration devrait durer jusqu’en 2024, conformément aux souhaits d’Emmanuel Macron énoncés lors de son allocution télévisée, au lendemain de du sinistre qui a ravagé la cathédrale. Si tous les délais sont respectés, le grand orgue de Notre-Dame devrait résonner à nouveau au sein de la cathédrale le 16 avril 2024, soit cinq ans jour pour jour après l’incendie.