Roberto Alagna se retire d’une production de Tosca : « Je ne veux pas être l’otage du mauvais goût »

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Roberto Alagna se retire d’une production de Tosca : « Je ne veux pas être l’otage du mauvais goût »

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Le ténor Roberto Alagna et sa femme la soprano Aleksandra Kurzak ont décidé de se retirer d'une production de la Tosca au Liceu de Barcelone.
Le ténor Roberto Alagna et sa femme la soprano Aleksandra Kurzak ont décidé de se retirer d'une production de la Tosca au Liceu de Barcelone.
© AFP

Le ténor Roberto Alagna et sa femme la soprano Aleksandra Kurzak ont décidé de se retirer d'une production de la Tosca au Liceu de Barcelone. Le couple dénonce une mise en scène incohérente et de mauvais goût.

Lundi 23 mai, l’Opéra du Liceu de Barcelone a annoncé sur Twitter le retrait de Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak de Tosca, la production phare de la saison prochaine. « Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak se sont sentis incapables d'incarner leurs rôles respectifs [...] et ont finalement décidé de se retirer du projet », indique la publication laconique. L’institution espagnole ajoute que le couple sera remplacé par le ténor Michael Fabiano et la soprano Maria Agresta.

Dans une interview menée par nos confrères italiens, Connessi all’Opera, le ténor français a expliqué sa décision, très largement commentée. Il déclare avoir signé pour l’ancienne production de Tosca du Liceu et n’avoir appris le changement qu’après l’annonce de la nouvelle saison. C’est en visionnant la mise en scène de Rafael R. Villalobos que le couple a décidé d’annuler sa participation, en dépit de la proposition de l’institution espagnole de modifier quelques éléments de la mise en scène. C’est en effet le projet dans sa globalité qui ne convenait pas, explique Roberto Alagna : « cette tentative de reproduire le film de Pasolini, Salo ou les 120 jours de Sodome, dans le chef-d’œuvre de Puccini m’a semblé vraiment de mauvais goût. »

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Avait-il vu le film en amont ? Roberto Alagna confie qu’il s’agit du seul long métrage dont il a jeté la cassette, après s’être interrompu au milieu. Il ajoute avec fermeté : « avec Aleksandra, on ne voulait pas être les otages d’un projet où l’on a affaire à de la violence, du sadomasochisme, de la pédophilie, de la nudité – même si les nus sont la chose la moins grave – des situations d’incohérence totale par rapport à la Tosca de Puccini. »

Entre approbation et huées virulentes

La mise en scène de Rafael R. Villalobos mise au point pour le Théâtre de la Monnaie et reprise en mai à l’ opéra de Montpellier a en effet suscité des réactions vives et contrastées, entre approbations et huées virulentes. La vision radicale du metteur en scène s’appuie sur la vie de Pasolini et en particulier sur Salo ou les 120 jours de Sodome, dernier film du réalisateur avant son assassinant près de Rome en 1975. Cette lecture insiste sur la dénonciation du catholicisme, véhicule de l’oppression sociale, en intégrant des passages très crus de sexe avec des expressions sadomasochistes. Rafael R. Villalobos explique sa démarche mêlant les destins des personnages de Tosca et celui de Pasolini : ce « génie au talent incommensurable » fut « persécuté par les mêmes structures du pouvoir déjà percées à jour dans le drame de Sardou ».

Pourtant, Roberto Alagna s’est clairement opposé au propos : « cela n’a aucun sens de faire de Pasolini le personnage principal de cette histoire. Cela n’a rien à voir avec la liberté d’expression. »

Du côté de la Monnaie, le directeur de l’opéra belge, Peter de Caluwe, a réagi pour nos confrères de Forum Opéra : « Les théâtres ont la responsabilité de choisir les artistes qui rendent justice aux œuvres ; des artistes heureux de s'engager dans la construction dramaturgique des personnages qu'ils interprètent. Dans la Tosca de Puccini et de Sardou, Cavaradossi est un jeune intellectuel ; un révolutionnaire féroce et un artiste prometteur. La production de la Monnaie, récemment reprise à Montpellier et qui voyagera à Barcelone et à Séville la saison prochaine, fait du jeune héros un frère de Pasolini. Tous deux exécutés à Rome au nom de leurs croyances en la liberté d'expression, de la transgression que représentait leurs amours... et de leur art. Ceux qui jadis furent qualifiés d'ennemis du régime sont aujourd'hui des héros, à nos yeux contemporains. Je comprends que Roberto Alagna ne se reconnaisse pas dans ce portrait et souhaite se retirer du projet. Les artistes ont la liberté de décider pour eux-mêmes et il est fondamental que nous leur garantissions ce droit. »

On retrouvera le ténor dans l’émission de Laurent Ruquier Les enfants de la télé le 5 juin sur France 2, puis sur la scène de Vérone dans Carmen les 21 et 31 juillet.

À réécouter : Roberto Alagna & Friends
Le concert de 20h