Roque Rivas, le sens de la perspective

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Roque Rivas, le sens de la perspective

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Le compositeur Roque Rivas
Le compositeur Roque Rivas
- Vidéo YouTube / IRCAM

Roque Rivas (né en 1975) a réalisé le jingle de la semaine “Action! Création!” de France Musique. Il évoque les circonstances de cette création, mais aussi son amour des anamorphoses visuelles et sonores et revient sur ses propres œuvres, où l’électronique occupe une place fondamentale.

France Musique : Vous avez composé le jingle de la semaine Action-Création. Aimez-vous travailler sur commande ? 

Roque Rivas : J’aime travailler sur commande surtout quand il s'agit d'institutions telles que l’Ircam et Radio France, car les conditions de production sont alors réunies pour créer un design sonore de qualité.  Pour la semaine Action! Création! , j’avais un cahier des charges assez spécifique: la création d’un jingle représente un certain enjeu d’un point de vue de la durée mais également d’un point de vue esthétique et expressif. La radio a besoin que les contenus musicaux et sonores soient joyeux et accueillants afin de donner envie aux auditeurs, mais en même temps, comme il s’agissait d’une commande , nous devions garder en tête que nous devions représenter différents types de musiques. Marc Voinchet, le directeur de France Musique, m’a parlé de la célèbre triade de la chaîne : Scarlatti - Sinatra - Snoop Dogg. Pour le jingle, j’ai donc commencé à travailler à partir d’un extrait du mouvement presto de la Sonate en sol majeur K 2 L 388,  puis j'ai réalisé des variations avec des instruments acoustiques et des sons synthétiques, toujours dans un cadre ouvert,  moderne et émotionnel. Nous devions réussir un jingle beau, novateur, mais aussi raffiné en termes de qualité sonore afin de répondre aux différents éléments du cahier des charges.

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Vous travaillez avec l’Ircam depuis 2006; quels sont vos rapports avec l’électronique musicale ? 

J’ai été formé au Chili puis j’ai suivi des études supérieures aux conservatoires de Lyon et de Paris (CNSMD). En réalité, mes premières tentatives ont débuté au Chili avec des moyens rudimentaires. J’avais dix-huit ans et j’utilisais des ordinateurs personnels. D’une certaine manière, je suis venu en France car je voulais travailler à l'Ircam et faire partie de cet univers artistique et technologique. Mes premiers rapports avec l’institut se sont déroulés lors du cursus de composition; par la suite, j’ai réalisé divers projets de recherche et bien évidemment des projets de création. Depuis, j’ai créé cinq pièces à l’Ircam pour différentes formations ; et j’ai aussi réalisé des travaux de design sonore pour l’institut. 

J’essaie d’aborder l’électronique pour chaque projet à partir de deux variables: d’abord la spécificité de l’effectif, c’est à dire un instrument solo, musique de chambre, ou une œuvre pour orchestre et électronique, et ensuite un cadre de réflexion plus général sur les possibles interactions entre l’instrument et la partition électronique. Les possibilités sont infinies et continuent de me fasciner : comment penser le prolongement acoustique de l’instrument dans l’espace, comment créer des illusions acoustiques avec des effets de perspective, ou comment générer un matériel sonore synthétique qui vient se coupler aux sons acoustiques des instruments ? Ces questions me passionnent , d’autant que je n’ai pas encore trouvé toutes les réponses; c’est ce qui permet d’avancer et de continuer à développer mon parcours de compositeur et de chercheur. 

Pour qui veut découvrir votre musique, par quelle œuvre faut-il commencer ?

Peut-être par la dernière que j’ai réalisée à l’Ircam avec l’Ensemble intercontemporain, Campo Abierto, en 2019. C’est une pièce pour grand ensemble et électronique, dans laquelle je voulais transférer des idées de la perspective en arts visuels dans le domaine de l’écriture musicale et électroacoustique. Les anamorphoses, les trompe l'œil et les illusions optiques m’ont toujours fasciné; je pense notamment au tableau Autoportrait au miroir convexe de Parmigianino ou à l’A_namorphose de saint François de Paul_ au Couvent de la Trinité-des-Monts à Rome. L’écriture de la pièce et la disposition des instruments sont issues de cette réflexion sur la perspective en musique, avec ces différentes variables, comme les jeux de miroir, les mises en abyme, la déformation ou la tromperie… Cette pièce correspond à une nouvelle étape de mon travail. Pour la première fois, j’ai eu l’impression de réaliser mes idées sur une grande forme, avec un grand ensemble et tous les moyens technologiques disponibles de spatialisation.