Sharhabil Ahmed - King of Sundanese Jazz
Sharhabil Ahmed, le roi du jazz soudanais, dans une compilation de Habibi Funk.
La musique soudanaise contemporaine a de nombreuses influences, autant de la musique Arabe que et des traditions subsahariennes. Comme Gamal Nkrumah l’écrit dans un article du journal Al Ahram datant de 2004 : « […] Elle trouve ses racines dans le madeeh (louanges au Prophète Mahomet en chansons). Le genre s’est transformé en quelque chose de légèrement irrévérencieux dans les années 1930 et 1940 quand la musique haqiba, successeur laïque du madeeh, s’est popularisée. La musique Haqiba, un art principalement vocal dans lequel les musiciens accompagnant le chanteur principal utilisent quelques instruments, s’est répandue comme une traînée de poudre dans les centres villes du Soudan. C’était la musique des mariages, rassemblements familiaux et soirées improvisées endiablées. La musique Haqiba puise son inspiration dans les traditions musicales dans lesquelles les choristes claquent des mains en suivant le rythme et le public les accompagne dans le morceau et la danse. Les incantations du chanteur créent une expérience de transe où les spectateurs se balancent au rythme des battements »
L’un des premiers chanteurs rencontrés pare les responsables du label Habibi Funk, il y a des années, et qui les a bouleversé est Sharhabil Ahmed. Sharhabil est né en 1935 et il est à l’origine de la scène jazz soudanaise. Son objectif était de moderniser la musique soudanaise en la mélangeant à des influences et des instruments occidentaux, comme il l’a lui même précisé dans une interview au Al Ahram Weekly en 2004 :
« […] La musique Haqiba, vous savez, était un chant traditionnel avec un peu d’accompagnement au tambourin. Quand notre génération est arrivée dans les années 1960, on a apporté un nouveau style. C’était l’époque de la révolution mondiale dans la musique. En Europe, les rythmes du swing et du tango étaient remplacés par le jazz, la samba, le rock-and-roll. On a aussi été influencé par cette régénération au Soudan. J’ai commencé par apprendre à jouer du oud et de la musique soudanaise traditionnelle, puis j’ai obtenu un diplôme de l’institut de la musique de l’Université de Khartoum. Pour autant, mon ambition était de développer quelque chose de nouveau. Pour cela, la guitare semblait être le meilleur instrument. Les instruments occidentaux arrivent bien à s’approcher des gammes de la musique soudanaise. Après tout, une grande partie de la musique occidentale vient originellement d’Afrique. J’ai assimilé différentes influences, des rythmes soudanais traditionnels au calypso et jazz, et je les ai assemblés dans ma musique sans difficulté. »
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Quand on se réfère à son apparence sonore, le jazz soudanais n’a pas grand chose en commun avec l’idée occidentale du jazz. La musique de Sharhabil ressemble plus à une combinaison unique de surf, rock’n’roll, funk, musique congolaise et des harmonies d’Afrique de l’Est. Ça a fait sens pour moi lorsque un responsable du label lui a rendu visite au Soudan pour voir les disques qu’il avait gardés au fil des années : deux de lui et deux de Mulatu Astatke dédicacés, et d’autres prouvant l’influence de l’Ethiopie et autres pays voisins. En fait, Sharhabil n’était pas seulement l’un des nombreux artistes de jazz soudanais. C’est le roi du jazz, littéralement, depuis qu’il a remporté une compétition pour ce titre.
À l’époque où Habibi Funk a découvert la musique de Sharhabil pour la première fois, il sortait un projet hip-hop sur un label cousin, par un producteur allemand appelé Pawcut et un MC soudanais appelé Zen-Zin. Les deux ne se sont jamais rencontrés en personne mais ont échangé sur internet et le résultat est une démo qu’ils ont décidé de la sortir. Zen-Zin fut probablement la première personne interrogée pour savoir s’il savait quelque chose à propos de Sharhabil. Sa réponse a été : « son fils habite à côté de chez moi. On a un projet ensemble, son père et le mien sont de vieux amis. » Ce qui ressemblait à une incroyable coïncidence s’est révélée être une sorte d’heureux hasard récurrent. C’est seulement une histoire parmi d’autres, dans laquelle les planètes s’alignent et rendent les projets possibles. Quoi qu’il en soit, Zen-Zin les a mis en contact avec Mohamed, le fils de Sharhabil, qui à ce moment là, était en plein déménagement pour New-York afin de poursuivre sa carrière dans la musique.
Mohamed était intéressé et en a fait part à son père, lui aussi attiré. S’en sont suivis de nombreux échanges pour partager idées et suggestions. Trouver la musique de Sharhabil en bonne qualité pour être utilisée comme source de la présente réédition a été une tâche particulièrement ardue. Il était facile de mettre la main sur un grand nombre de chansons via internet, mais toutes étaient de mauvaise qualité. Il a fallu des années pour trouver une bonne source de matériel.
En 2017, l’équipe de Habibi Funk a visité le Soudan pour la première fois et a eu la chance de rencontrer Sharhabil dans sa maison à Riyadh, près de Khartoum. Malgré ses 80 ans passés, il est toujours très actif et vif d’esprit, avec une mémoire vivace remplie de souvenirs sur les réussites de son travail musical et de son travail d’illustrateur, qui l’ont tous deux rendu célèbre au Soudan. L’année suivante, ils ont mis en avant son morceau Argos Farfish sur une première compilation. Et quel morceau ! Mené par une guitare électrique, des cuivres et la voix à la fois douce et énergique de Sharhabil, c’est un coup de cœur sur cette sortie.
(extrait du commuiqué de presse)