Les études sur le lien entre l’écoute de la musique au travail et la productivité sont nombreuses, et les avis partagés : la musique peut-elle influencer votre productivité, ou au contraire, parasiter votre concentration ? Tout est une question de dosage, disent les scientifiques.
« C’est un problème, quand on écrit ou quand on dessine et qu’on doit inventer des gags, d’écouter de la radio ou de la chanson française. Je ne peux pas, parce que ça s’entrecroise dans la tête et on ne peut pas se concentrer comme il faut. En revanche, la musique classique sans paroles est inspirante, elle est une amie quand on doit créer les images. » disait récemment Philippe Geluck, dessinateur et auteur belge, au micro de Vincent Josse de la Matinale culturelle de France Musique.
La musique, une amie qui inspire ? Même dans les tâches les plus banales du quotidien, nous sommes nombreux à travailler un casque sur la tête : pour s’isoler du bruit ambiant, pour se donner un petit coup de pouce ou pour se détendre. Mais que se passe-t-il dans notre cerveau, lorsque nous écoutons la musique en travaillant ? Faut-il la bannir ou l’encourager dans l’environnement de travail ? Selon les scientifiques, la réponse est plus nuancée que cela : c’est une question de choix et de dosage, mais aussi de la personnalité et des habitudes.
En effet, lorsqu’on est appelé, comme le décrit Philippe Geluck, à mobiliser les fonctions cognitives de notre cerveau – lire, écrire, communiquer avec les autres – la musique viendrait parasiter les circuits actifs, comme l’explique Daniel Levitin , musicien et chercheur en psychologie cognitive, auteur de This is your brain in music . Même si nous avons l’impression d’être productif, nous ne sommes pas en mesure de consacrer à notre tâche principale toute l’attention nécessaire.
Tout le contraire lorsqu’on est absorbé par une tâche répétitive ou monotone, où la musique devient stimulante. « La musique capte facilement notre attention : dès qu’il y a de la musique dans l’environnement, le cerveau se synchronise très naturellement, » précise Hervé Platel, chercheur en neuropsychologie à l'Université de Caen.« * Les voies d’entrée de la musique dans le cerveau sont beaucoup plus complexes que celles de la parole, par exemple, et sollicitent différentes régions cérébrales : la musique stimule, relaxe, calme la douleur, mais a aussi* la capacité d’augmenter la plasticité du cerveau et de provoquer les modifications au niveau des connections synaptiques. » Selon le chercheur, écouter la musique en travaillant stimulerait ainsi la mémorisation et permettrait de moins ressentir la fatigue.
Choisir la musique qu'on aime
Travailler en musique pourrait donc stimuler la mémoire, mais aussi diminuer le stress ou l’anxiété. La chercheuse Teresa Lesiuk de l'Université de Windsor a observé l'influence de la musique sur la productivité et la créativité des ingénieurs en informatique, et a constaté que ceux qui ont écouté de la musique en travaillant ont pu finir leur tâche plus vite et proposer de meilleurs idées : « Lorsque vous êtes stressé, vous avez tendance à prendre des décisions hâtives. Au contraire, lorsque vous êtes dans un état positif, vous êtes plus à même d'envisager plusieurs options. » Les sentiments positifs influenceraient l'organisation cognitive dans votre cerveau, y compris au niveau de la créativité. Mais, comme le souligne Teresa Lesiuk, il est très important de pouvoir choisir la musique que l'on écoute en fonction de ses goûts personnels.
Et nous ne sommes pas tous égaux, les mélomanes montrant plus de réceptivité à l'impact de la musique au travail. Ce que nous partageons, par contre, c'est notre réaction physiologique pendant l'écoute d'un morceau familier : à différente échelle, nous sommes submergés par un sentiment de bien-être : « La musique qui nous plaît stimule les circuits de la récompense dans notre cerveau. En résulte la production de la dopamine, neurotransmetteur responsable du sentiment de bien-être», explique Hervé Platel . « Dans le milieu de travail, elle peut ainsi diminuer le stress et l’anxiété. » Et l'anxiété, elle, a tendance à inhiber les fonctions cognitives. En revanche, l’état de bien être libèrent de la sérotonine qui améliore l’humeur et facilite la concentration.
Privilégier la musique instrumentale
Cependant, tout type de musique n’est pas propice au travail. De manière générale, mieux vaut choisir une musique neutre, de préférence instrumentale : « Les paroles nous distraient cognitivement. Etant donné que le travail nécessite de manipuler par le langage notre réflexion intérieure, notre réflexion linguistique sera bien évidemment perturbée par le texte. », explique le chercheur. Il vaut mieux aussi éviter la musique trop énergique, qui peut à la longue fatiguer et diminuer la concentration : *« Elle peut être utilisée de façon très temporaire pour se donner un coup de fouet, mais sur le long terme elle a davantage tendance à épuiser, avec des effets négatifs sur la concentration et l'humeur. On perd l'effet intéressant à trop prolonger l'exposition. » *
Enfin, la musique peut être un excellent moyen de se préparer pour la journée de travail ou pour se ressourcer entre deux tâches : selon Daniel Levitin, seulement 15 minutes d'écoute de la musique a le même effet sur notre humeur qu'une séance de sport ou une ballade dans la nature, quelle qu'elle soit, tant qu'elle fait partie de notre playlist préférée.
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