Uèle Lamore, cheffe d’orchestre de la scène indépendante

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Uèle Lamore, cheffe d’orchestre de la scène indépendante

Par
Uèle Lamore
Uèle Lamore
- Melissa Phulpin/Tomboy-lab

Jeune cheffe d’orchestre formée aux Etats-Unis, Uèle Lamore a fondé l’Orchestre Orage, une formation avec laquelle elle compose, orchestre et joue en collaboration avec des artistes indépendants.

Partie étudier aux Etats-Unis ce qu’elle ne trouvait pas dans les formations musicales en France, Uèle Lamore est revenue à Paris, sa ville natale, avec l’intention de faire ce qui lui plaît. En 2007, elle fonde l’Orchestre Orage, ensemble instrumental qui accompagne des artistes indépendants sur des projets d’orchestrations ou de créations. Nous l’avons rencontrée dans son quartier, le XVIIIe arrondissement parisien.

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France Musique : Pourquoi êtes-vous partie jusqu’aux Etats-Unis pour étudier la musique ? 

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Uèle Lamore : Tout simplement parce qu'en France il n'y avait aucune école qui proposait le cursus que je voulais faire, celui d'avoir le choix d'étudier des disciplines différentes toutes reliées aux musiques actuelles et pas au classique car je n'ai jamais fait de conservatoire. Je voulais pouvoir étudier du jazz, jouer un peu de batterie si je voulais apprendre, faire de la production musicale, d’aller vers l’électronique... J'ai commencé par entrer dans un conservatoire jazz en guitare, ensuite j’ai intégré une deuxième école (le Berklee College of Music) à Boston où je me suis spécialisée dans la direction orchestrale et la composition.

La composition classique donc...

Oui, et quand tu viens des musiques actuelles (rock, jazz, électro…), commencer à étudier la musique du Moyen Âge, la musique romantique, la musique classique, c'est rafraîchissant. J’ai réalisé que je pouvais utiliser toutes ces nouvelles techniques acquises pour les appliquer aux styles de musique que j’aime.  

Pourquoi vouloir rentrer en France après cette expérience ? 

Les Américains sont fous, tarés, bêtes… et je n'ai pas peur de le dire : j'ai un passeport américain ! Au bout d'un moment, j'étais en saturation, des Etats-Unis, des gens, de la culture... C'est un pays qui est trop violent, une violence constante, notamment dans la manière dont la société est régie. Un jour, devant l'université, un SDF s'est fait renverser par une voiture, sa jambe était cassée, le conducteur avait fui donc on a commencé à appeler une ambulance mais il nous a dit : “Non, je n'ai pas les moyens de la payer”. Il a rampé jusqu'au métro. Ces choses-là arrivent tous les jours là-bas. Quand tu as vécu et grandi avec des valeurs européennes, c’est impossible de vivre là-bas trop longtemps [Uèle y a passé 8 ans]. 

En 2007, vous avez fondé l’Orchestre Orage avec lequel vous touchez un peu à tout… Mais qu’est-ce qui identifie votre ensemble ?

On se spécialise dans des collaborations avec des artistes qui ont tous en commun de faire partie de la scène indépendante parisienne, mais ils peuvent venir de l’électro, de la pop, du rock, du new age etc. Souvent on revisite leurs répertoires avec des arrangements orchestraux, parfois on fait des créations originales. 

Comment se passent ces créations ? 

Ça dépend vraiment des artistes. Quand ils sont trop occupés ou en tournée, ils me font confiance et je compose. Certains ont peur d’écrire pour un orchestre donc ils ne veulent pas du tout s'en mêler, mais le mieux c’est quand ils veulent créer avec moi, ils apportent des idées auxquelles je n’avais pas pensé, et j’apprends plus. Enfin il y a ceux qui n’y connaissent rien à l’orchestration mais qui veulent comprendre donc je les intègre à l’écriture. 

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Est-ce que vous créez en fonction de votre effectif (flexible pour chaque projet) ? 

Non il ne faut pas réfléchir en tant que contraintes. Dès qu’une idée germe, quoi qu’il arrive elle va se concrétiser donc on réfléchit en fonction du besoin, des envies de l'artiste. Par exemple, on a joué trois fois avec Kodama, un groupe qui n'a pas besoin de vents ni de cuivres, il ne faut que des cordes. Alors qu’avec Midori, il fallait un gros effectif car c'est ce qui allait avec sa musique, un genre hyper cinématographique… La priorité c'est de se demander de quoi on a besoin pour mettre au mieux en valeur la musique de l'artiste en collaboration. 

Vous faites appel à des musiciens de formation classique, est-ce qu’ils s’intègrent bien aux projets ? 

Oui et puis ça leur change parce qu'on a une très bonne ambiance dans l'orchestre, sans tensions, sans hiérarchie entre les pupitres… On a une manière de travailler un peu particulière et on encourage l'échange entre l'artiste invité et les musiciens car on ne sait jamais comment jouer ce nouveau répertoire donc tout le monde peut émettre un avis.

C’est un modèle d’orchestre inspiré des pays anglo-saxons.. 

Oui, là-bas ça fait des années que ce genre de formations existe. Je n’ai rien inventé, juste copié ! En France c'est encore très nouveau, mais j’espère que cette culture va progresser. Certes il y a des orchestres qui font des collaborations avec des artistes de musiques actuelles mais c’est souvent une fois dans l’année. Certains orchestres en Angleterre ou en Scandinavie ne font que de la musique actuelle, jamais de classique et ils sont excellents dedans. En France on peut développer ce secteur car on commence à avoir une scène électro démente, une scène pop rock vraiment bien, même dans le mainstream et il y a de quoi faire. 

Comment vous situez-vous alors par rapport aux autres chefs d’orchestre ? 

Je n'ai aucun contact avec eux, et je pense qu'ils doivent avoir un certain dédain pour ce que je fais avec ma musique. En France le métier de chef est tellement survalorisé et sur-magnifié, il y a cette sorte d’aura magique autour alors que moi j'ai appris ce métier à l'anglo - saxonne et à l'américaine, c’est à dire à considérer ce métier comme un boulot comme les autres et surtout à respecter les musiciens, c’est la priorité. Certains de mes musiciens me racontent leurs concerts classiques, des situations que je ne pourrais pas supporter… 

Récemment vous avez été médiatisée notamment pour mettre en valeur votre genre et votre jeune âge dans un corps de métier occupé principalement par des hommes. Est-ce que vous faites attention à mettre en avant des artistes féminines dans vos collaborations ? 

Au début je n’y faisais pas attention puis je me suis rendue compte qu'avec l'Orchestre Orage on a fait plus de concerts avec des artistes filles, qu'avec des groupes où il n'y a que des hommes. Et dans notre effectif, il y a plus de filles que de garçons. Là où je fais parfois attention, mais souvent de manière inconsciente, c’est dans mes autres projets, quand je dois faire des créations, sans l'orchestre, et qu’on me propose un listing d'artistes avec qui j'aimerais travailler. Par curiosité je vais plus aller vers les noms de filles et voir ce qu'elles font… Mais c’est aussi parce que c’est souvent plus intéressant que ce que font les garçons !