Comment définir le style de Mikko Franck ? Christian Merlin, producteur à France Musique, examine la direction du chef d'orchestre finlandais. Décryptage en vidéo.
Christian Merlin, journaliste, auteur du livre « Au Cœur de l'orchestre » (Fayard) et producteur radio de l'émission du même nom sur France Musique, décrypte le style de direction du chef finlandais et directeur musical de l'Orchestre philharmonique de Radio France, Mikko Franck. Il partage ici son analyse.
Mikko Franck n'est pas le chef dictateur d'autrefois. C'est un chef qui essaye de convaincre les autres sans imposer sa vision des choses. Il a un rapport très complice avec les musiciens. Christian Merlin
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Un chef humain
Le rôle premier du chef d'orchestre est de synchroniser les musiciens grâce à un ensemble de gestes appelé « gestuelle ». Selon Christian Merlin, celle de Mikko Franck reste volontairement sobre : « Il s'en tient uniquement aux gestes qui sont nécessaires pour l'orchestre. Il n'y a pas de "gestes parasites", qui ne sont là que pour se mettre en scène ou pour impressionner le public ». Pour lui, la direction du chef finlandais reposerait d'avantage sur la complicité que sur l'autorité : « Son visage est très expressif, ce qui permet aux musiciens de ne pas se sentir pas abandonnés par leur chef, de voir qu'il est de leur côté. D'ailleurs, Mikko Franck dit souvent que l'essence même de la direction d'orchestre est d'essayer, à défaut d'aider l'orchestre, au moins de ne pas le déranger. Tout cela contribue aussi à désacraliser l'image autoritaire qu'ont longtemps eu les maestros ».
Au début, la Finlande
Mikko Franck étudie le violon à l'Académie Sibelius d'Helsinki et débute sa carrière de chef d'orchestre à l'âge de 17 ans. Très vite, il est remarqué par le chef, compositeur et pédagogue finlandais Jorma Panula. Pour Christian Merlin, « c_e dernier a été un grand pédagogue dans la mesure où il a permis à chacun de ses élèves de développer sa propre personnalité »._ Mikko Franck dirigera par la suite les plus grands orchestres de la planète : Finlande, Belgique, Royaume-Uni, Allemagne, États-Unis, France... « on se demandait si ce n'était pas prématuré de voir un chef d'une vingtaine d'années se produire à la tête de tous ces grands orchestres ! ». En 2015, il succède à Myung-Whun Chung à la tête de l'Orchestre philharmonique de Radio France.
La partition avant tout
« C'est l'outil de travail essentiel du chef d'orchestre », nous explique Christian Merlin. « Il doit l'étudier avec le plus grand des sérieux afin de savoir à tout moment qui joue quoi... y compris lorsqu'il a 120 instrumentistes ». Autre caractéristique héritée de son maître Jorma Panula, « Mikko Franck est très respectueux de la partition. Pour lui, "tout commence par jouer ce qui est écrit" ».
Sans répétitions... pas de concert
« Ce que le public ne sais pas toujours, c'est que le concert est précédé de répétitions. Ce sont des moments essentiels où il faut refaire, rejouer, recommencer, ce qui peut être fastidieux. Là, il est important que le chef arrive à convaincre les musiciens que "si je vous demande de reprendre cette phrase, encore et encore, ce n'est pas moi qui le demande, c'est la musique qui l'exige" ». Là aussi, Mikko Franck possède un avis très tranché : « Je vais vous dévoiler un souvenir de conversation avec Mikko Franck », raconte Christian Merlin. « Un jour, il m'a avoué que les concerts l'ennuyaient. Très surpris, je lui ai demandé de développer : "Parce que mon travail est terminé ! Mon travail, ce sont les répétitions, maintenant c'est à l'orchestre de jouer" ».
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Interpréter la musique
« Lorsque vous comparez deux versions discographiques d'une même œuvre, vous remarquez parfois des différences d'interprétation alors que toutes deux se réfèrent à la même partition ». Tempo, dynamique, texture des sons, tout peut varier d'un chef à l'autre : « Là où Myung-Whun Chung aimait un son très ample, Mikko Franck cultive un son plus transparent, où l'on distingue bien les plans sonores », explique Christian Merlin. « Seulement, le chef d'orchestre n'est pas seul maître à bord et s'il souhaite prendre des libertés, il doit convaincre tout le groupe de le suivre ».
Mikko Franck s'inscrit dans la nouvelle génération de maestros : « Il a toujours convaincu les orchestres, si bien qu'assez vite, on se l'est arraché. Lorsque je lui ai demandé ce que cela faisait d'être un jeune chef, il m'a répondu : "Je ne sais pas, je n'ai encore jamais fait l'expérience de ce que c'est que d'être un vieux chef" ».