L’hommage à Michel Legrand au Théâtre Marigny le jour de ses obsèques a été conçu et réalisé par Macha Méril, Stéphane Lerouge, David Dessites et Catherine Thibault.
Michel Legrand s'est éteint le 26 janvier 2019, à Paris, à l'âge de 86 ans. Après des obsèques à la cathédrale orthodoxe Saint-Alexandre-Nevsky et l'inhumation du compositeur au cimetière du Père-Lachaise, un hommage public au Théâtre Marigny a été conçu et réalisé par Macha Méril, Stéphane Lerouge, David Dessites et Catherine Thibault.
Réécoutez chaque discours et diffusion de cet hommage.
Ouverture de la cérémonie / Peau d'âne (fugue d'ouverture) / Jean-Luc Choplin (directeur du Théâtre Marigny)
5 min
C'est justement entre les murs du Théâtre Marigny que se joue depuis novembre dernier la toute première adaptation scénique du film musical Peau d'âne, fruit du duo mythique formé par Michel Legrand et Jacques Demy. « Toute la distribution de Peau d’âne qui, depuis deux mois dans ce théâtre, enchante Paris, et qui vous a donné, cher Michel, tant de joies récentes, a tenu à être rassemblé autour de vous, et vous accueillir chez vous », annonce le directeur du théâtre Jean-Luc Choplin, en ouverture de cérémonie.
Franck Riester (Ministre de la Culture) / Les Moulins de mon cœur (par Michel Legrand)
11 min
« À la seule évocation de son nom résonne dans toutes les têtes et dans tous les cœurs, les airs entraînants des Parapluies de Cherbourg et des Demoiselles de Rochefort. Il y a derrière ces mélodies un compositeur que les plus grands musiciens admiraient et dont ils chérissaient la compagnie », salue le Ministre de la Culture, Franck Riester.
Après ces deux premiers discours, viennent des hommages plus personnels, plus intimes. Agnès Varda prend ainsi la parole : « D’autres parleront du talent de Michel et de ses capacités d’inspirations diverses. Moi j’ai voulu parler de ces petits moments de la vraie vie » explique la cinéaste qui, dans les années 1960-1970, a partagé « ces années de grande amitié et de travail avec Michel Legrand et Jacques Demy. [...] L'extraordinaire décennie durant laquelle ils ont créé les chefs-d'oeuvre que l'on connait. »
Agnès Varda (cinéaste) / Sans toi (par Corinne Marchand)
8 min
« Je voudrais évoquer quelques moments de ce temps-là, poursuit, bouleversée, la réalisatrice. Quand Jacques a écrit Les Parapluies de Cherbourg_, il avait l’idée que ce soit entièrement chanté, et Michel s’est mis au travail. Sur l’île de Noirmoutier, quelque part, ils avaient loué un hangar dans la cour d’un pêcheur. Et ils avaient loué le seul piano qui était sur l’île. Un vieux piano. Et ils ont travaillé là. […] Quand ils travaillaient, ils avaient vraiment l’intention d’émouvoir le public, de le faire pleurer. De temps en temps, Jacques annonçait fièrement : "deuxième mouchoir !" Et ils riaient tous les deux. »_
Didier Van Cauwelaert (écrivain-cinéaste) / The Go-Between (Le Messager)
8 min
Eve Ruggieri (journaliste) / Concerto pour piano (2ème mouvement) (par l'Orchestre Philharmonique de Radio France, dirigé par Mikko Franck, piano Michel Legrand)
6 min
Alors que s'achève la diffusion du 2ème mouvement du Concerto pour piano composé en 2017 par Michel Legrand, Stéphane Lerouge, biographe et ami du compositeur, monte à son tour sur la scène. « Je pense que ce qui fait la grandeur et la modernité de Michel Legrand c’est d’avoir très jeune fait un choix, et ce choix c’est celui de ne pas choisir. Ne pas choisir entre la musique symphonique, le jazz ou les jazz, la chanson, la variété, la pop music, les musiques du monde et notamment les folklores d’Amérique du Sud qui le passionnaient. »
Pour lui la musique n’existait qu’au pluriel, sans hiérarchie.
« Depuis quelques années, comme conscient du syndrome du sablier, Michel avait décidé de boucler des boucles. Ça a été notamment l’écriture de ses deux concertos, celui pour piano mais aussi celui pour violoncelle écrit sur mesure pour Henri Demarquette. Ça a été finaliser l’écriture de son oratorio imaginé en 1970-1971 pour Barbara Streisand, Between yesterday and tomorrow_, et finalement enregistré en 2017 par Natalie Dessay qui a été objectivement l’interprète vocale majeure de Michel, ces dernières années. »_
« En conclusion, j'aimerais juste vous préciser qu'il existe un mot d'auteur, presqu'un aphorisme, qui mettait Michel en joie, même en lévitation, ajoute Stéphane Lerouge_. Il m'avait demandé de le glisser dans le dernier bouquin. C'est un mot d'une renversante ambiguïté signé Mark Twain. Interrogé sur la disparition d'un confrère écrivain auquel tout l'opposait, Twain avait répondu : "Je n'ai pas pu venir à ses funérailles, mais j'ai envoyé une lettre pour dire que j'étais d'accord"_. Et en contenant nos larmes, nous pouvons dire aujourd'hui que c'est tout le contraire : Michel, nous sommes tous venus, mais nous ne sommes pas d'accord. »
Stéphane Lerouge (biographe) / Chanson de Maxence (You must believe in spring) par Bill Evans
10 min
Résonne alors dans la salle du Théâtre Marigny la célèbre Chanson de Maxence, dans une version signée Bill Evans, en écho au premier coup de foudre musical du compositeur : le jazz. En 1949, fraîchement diplômé du Conservatoire de Paris, Michel Legrand préfère la chaleur et la liberté des cabarets jazz plutôt que les grands honneurs ou la course au prestigieux Prix de Rome.
Jean-Paul Rappeneau (cinéaste) / Les Mariés de l'an II
8 min
Dans les années 1960, le musicien rencontre le cinéma de la Nouvelle Vague : Agnès Varda, Jean-Luc Godard et, bien sûr, Jacques Demy, pour qui il compose la musique des Parapluies de Cherbourg (1964) et des Demoiselles de Rochefort (1967). Le nom de Michel Legrand est alors à tout jamais associé au 7ème Art. « Tu travaillais 'avec' les cinéastes, salue le réalisateur Xavier Beauvois. On pouvait dire des choses avec des mots et, à la seconde même, tu arrivais à les traduire en musique. »
Xavier Beauvois (cinéaste) / La Rançon de la gloire
9 min
Frédéric Beigbeder (écrivain-cinéaste) / I will wait for you (par Lena Horne) / Clôture de la cérémonie par Jean-Luc Choplin / Dans le même instant (par Michel Legrand)
18 min
En 2012, Michel Legrand incarne son propre rôle à l'écran, dans L'Amour Dure Trois Ans de Frédéric Beigbeder. « Michel a même chanté en duo avec JoeyStarr : une preuve de son ouverture d’esprit et de son courage physique ! plaisante ce dernier. Merci pour ce souvenir insensé ! »
« Il y a deux mois j’ai rendu visite à Michel, dans sa maison, poursuit Frédéric Beigbeder. On a bossé plusieurs heures sur un projet. Au bout d’un moment il m’a dit, viens je veux te montrer quelque chose ! Et il est sorti dans le jardin. Il s’est assis dans une petite voiture électrique. Il m’a dit : allez viens ! Alors je l’ai suivi et il a démarré. En fait ces petites voiturettes, ça va assez vite, contrairement à ce que l’on croit. Michel conduisait à toute berzingue dans une forêt immense sur un petit chemin cahoteux qui longeait une rivière glacée. Je me suis dit, Ok, je vais mourir noyé dans un accident de buggy avec Michel Legrand, dans le Loiret.... Mais au fond, qu’est-ce que je pouvais espérer de mieux ? »
Frédéric Beigbeder poursuit son anecdote et raconte qu'enfin, Michel Legrand interrompt sa course folle et s'arrête dans une clairière, où il montre à son ami un arbre millénaire : « Il voulait me dire qu’on ne meurt pas. La musique ne meurt pas. Les mélodies de mon enfance lui survivront et me survivront. »