VIDÉO - La bandoura, l'âme de l'Ukraine, par Anna Bystrichenko

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VIDÉO - La bandoura, l'âme de l'Ukraine, par Anna Bystrichenko

Par
La bandouriste Anna Bystrichenko
La bandouriste Anna Bystrichenko
© Radio France - Mattéo Iachkine

Anna Bystrichenko, musicienne et chanteuse, présente la bandoura, instrument à cordes ukrainien. Pour elle, la bandoura incarne l'âme de l'Ukraine et l'histoire de l'instrument est liée à celle du pays.

Anna Bystrichenko débute l'apprentissage de la bandoura dès l'école primaire. Après des études de musique et de chant au conservatoire de Kharkiv, elle remporte plusieurs concours internationaux. Aujourd'hui, elle accompagne son instrument de sa voix de soprano.

La bandoura, mode d'emploi vidéo par Anna Bystrichenko :

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En Ukraine, on perçoit cet instrument comme l'âme du pays. Anna Bystrichenko

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France Musique : Quel est le nom de la tenue que vous portez ?

Anna Bystrichenko : J’ai revêtu une vyshyvanka, l’habit traditionnel ukrainien. Sur ce vêtement, la couleur rouge symbolise l’amour et le noir, la tristesse. Cette vyshyvanka m’a été offerte par une spectatrice après un concert, elle date du XIXe siècle !

Comment avez-vous découvert la bandoura ?

J’ai commencé l’apprentissage de la musique par le piano. Un jour, en CM2, une femme est venue dans notre classe avec un instrument à l’allure très exotique. Elle était très belle et jouait très bien, je n’avais jamais rien vu de tel mais j’ai entendu le mot “bandoura”. À la fin de sa présentation, elle a proposé aux élèves intéressés de la rejoindre à l’école de musique et je suis la seule à être venue. J’ai donc abandonné le piano pour la bandoura.

Connaissez-vous l’histoire de la bandoura ?

Elle descend d’un petit instrument à corde, très populaire dans la région de l’actuelle Ukraine dès le Moyen Âge : la kobza. Progressivement, ce petit luth a grandi et le manche s’est déplacé sur la gauche de la caisse de résonance, pour laisser place à de plus en plus de cordes. Kobza et bandoura cohabitent pendant quelques temps, jusqu’à ce que la dernière remplace la première au XVIIIe siècle. De nos jours, le mot “kobza” désigne aussi bien la bandoura que son ancêtre dans le langage populaire.

"Cossacks' lesure"
"Cossacks' lesure"
- Tymofiy Kalynskyi

Il faut aussi savoir que la musique occupe une place très importante dans la culture ukrainienne et que l’histoire de la bandoura est liée à celle de l’Ukraine. Au XVIe siècle apparait une caste de bardes itinérants, les kobzars. Souvent d’anciens soldats Cosaques ne pouvant plus se battre, ils parcouraient villes et villages et, en s’accompagnant à la bandoura, chantaient des “doumas” (litt. “pensées”, ndlr). Ces chants patriotiques narrent les exploits militaires des Cosaques et les représentent en héros, en modèles de liberté et d’indépendance. Pour une partie de ce peuple, les Cosaques zaporogues, qui ont fondé l’Hetmanat en 1649, considéré comme le premier État d'Ukraine, les “doumas” avaient la particularité d’exacerber le sentiment nationaliste des Ukrainiens.

Mais de par sa situation géographique au carrefour de l’Europe, l’Ukraine a sans cesse été envahie tout au long de son histoire. La culture ukrainienne a donc souvent été réprimée et les kobzars persécutés, afin d’étouffer tout sentiment d’indépendance. Dans les années 1930, alors que l’Ukraine était sous le joug du régime de Staline, les autorités ont organisé un grand rassemblement de tous les bandouristes d’Ukraine à Kharkiv. Y voyant l’opportunité de retrouver les confrères, de jouer et d’échanger, ils sont tous venus avec leur instrument. Sans savoir qu’aucun ne réchapperait du piège tendu par le NKVD (la police secrète de l’URSS, ndlr). C’est un miracle que la bandoura ait survécu jusqu’à nos jours et surtout cet “esprit Cosaque”, cette âme de liberté et ce caractère indépendant.

Comment faites-vous pour jouer de votre instrument ?

En Ukraine, il y a trois écoles de bandoura : Tchernihiv, Kiev et Kharkiv. Moi, je joue selon le style de Kiev : la main gauche se place sur le manche et joue l’accompagnement, tandis que la main droite s'occupe de la mélodie sur les cordes au centre. La difficulté de l’instrument réside dans la position des cordes, qui sont très rapprochées. Rien n’indique quelle corde correspond au do, au sol, au la, etc. Quand on débute, on a donc l’habitude de faire des petites marques pour repérer les octaves. C’est un instrument à cordes que les bandouristes pincent à l’aide de faux ongles, adaptés à la morphologie de chacun des doigts. On peut jouer avec nos ongles naturels, mais ils ne résistent en général pas longtemps aux cordes en acier. Au sein des formations, il n’est pas rare d’entendre les bandouristes s’écrier “j’ai perdu mes ongles, j’ai perdu mes ongles !”, ce qui provoque l’incompréhension des autres musiciens, qui se demandent alors comment on peut perdre ses propres ongles.

Des faux ongles de bandouriste
Des faux ongles de bandouriste
© Radio France - Mattéo Iachkine

Pouvez-vous nous décrire l'anatomie de votre instrument ?

La bandoura est construite autour d'une large caisse de résonnance. Sur mon instrument, elle est décorée d’une rosace représentant le poète, peintre et humaniste ukrainien Taras Chevtchenko. Surnommé “le kobzar”, c’est une figure très importante de la poésie et de la littérature ukrainienne. Le manche est fixé à gauche de la caisse et il est surmonté d’une tête sculptée. La bandoura moderne possède entre 60 et 70 cordes ; les basses sont tendues sur le manche et les mélodiques sont placées tout autour de la caisse de résonnance, ce qui en fait un instrument doté d’une acoustique très riche. Les possibilités de jeux sont augmentées par un système de changement de tonalité : huit leviers, quatre bémols et quatre dièses, placés au sommet de la caisse de résonnance. La bandoura possède deux chevalets : un pour les cordes basses et l’autre pour les cordes mélodiques. Ils transmettent les vibrations des cordes à la table d’harmonie.

Qu’est-ce que vous ressentez lorsque vous jouez de la bandoura ?

L’instrument vibre contre votre corps et vous avez l’impression de tenir un petit être dans vos bras. Quand vous en jouez, vous ressentez une énergie qui émane de l’instrument. Je ne sais pas si c’est à cause du son, de la langue ou de l'ensemble, mais personnellement, cela me donne la force de continuer.

Pour en savoir plus :

"Les Cosaques et l'Ukraine" :  https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-l-histoire/les-cosaques-d-ukraine-face-aux-empires