Scène très marginale en France à ses débuts, le cloud rap a explosé avec PNL, et s’est imposé au fil du temps comme un support idéal pour faire des tubes.
Un genre spécifique devenu fourre-tout
Genre aux caractéristiques bien spécifiques à ses débuts, la musique cloud a vu sa définition évoluer et surtout s’élargir au fil des années, en particulier au sein de la scène française, où elle a été popularisée par l’explosion de PNL en 2015. Depuis, la tendance s’est tellement démocratisée qu’elle a été adoptée par la majorité de nos rappeurs, ceux-ci incorporant dans leurs titres de façon plus ou moins subtile des éléments planants. Moins spécialisé, de plus en plus dilué avec d’autres types de sonorités, le cloud-rap à la française s’est imposé comme l’une des recettes les plus efficaces pour réaliser des tubes. Révélateur assez net étant donnés les modes de consommations actuels, les plateformes de streaming ont chacune leur playlist french cloud-rap, une catégorie plus fourre-tout que spécialisée, qui voit s’entrecroiser des profils aussi variés que PNL, Maes, Triplego, Damso, Key Largo, Kekra ou Sch.
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Quand on se rappelle de ce qui définissait le genre il y a encore quelques années, difficile en effet de voir dans le cloud-rap actuel autre chose qu’un dérivé dont on a extrait les éléments les plus efficaces tout en ignorant ceux qui pouvaient dérouter la masse des auditeurs. En 2015, nous mettions en avant trois grandes caractéristiques qui permettaient de définir la catégorie cloud : les beats ralentis, des thématiques assez perchées ou improbables (aussi bien en termes de musique que de codes visuels), et une dimension plus ou moins expérimentale. Lil B, Issue, SpaceGhostPurrp ou Yung Lean dictaient ces codes en dehors de nos frontières; Green Money, Triplego ou Jorrdee se les réappropriaient chez nous. Quatre ans plus tard, le “rap nuageux” a été rattrapé par son potentiel mainstream, et ses titres les plus représentatifs auprès du grand public n’ont plus rien d’expérimental. Sur la forme, le ralentissement des bpm a été conservé ; sur le fond, en revanche, les thématiques se sont recentrées autour de sujets très classiques dans le rap français.
Le tournant PNL
Sur ce point, on réalise tout de même, avec le recul, que la dimension un brin mystique du cloud-rap US de la première moitié des années 2000 n’a jamais vraiment été importée chez nous. Si l’on considère que la tendance explose en France avec PNL, l’attention se porte alors justement sur ce décalage entre d’un côté, une forme très vaporeuse, chantée et presque planante, et de l’autre, sur des thématiques terre-à-terre, ancrées dans une dimension très street. A l’époque, Ademo et N.O.S se placent au carrefour de plusieurs mouvances, mariant déjà des éléments de cloud music avec tantôt des beats purement trap, tantôt des flows nerveux. En 2015, on écrivait alors : “A terme, le cloud -et ses codes beaucoup moins rigides que d'autres sous-genres du rap- pourrait devenir un style musical à part entière, le chaînon manquant entre le rap et tous les autres genres musicaux . Alors que toutes les tentatives de marier rap et rock, rap et variété, ou rap et musiques électroniques, se sont heurtées à l'appréciation du public, cette tendance nouvelle et planante est peut-être le liant idéal, et la scène cloud, véritable laboratoire à ciel ouvert, pourrait avoir trouvé la recette parfaite, celle qui permet de passer au dessus des genres et des nuages.”
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Entre-temps, d’autres sous-genres ont émergé, et d’autres types de sonorités ont eu le temps de s’imposer. La musique cloud a cependant réussi le mariage avec les autres tendances qui transformaient progressivement le rap français, et d’une catégorie presque marginale, elle est devenue un véritable standard. Indispensable à la panoplie du rappeur complet en 2019, la gestion des ambiances plus chill permet par exemple d’offrir quelques moments de répit à l’auditeur au milieu d’un album trop nerveux, ou au contraire, d’accentuer l’impression de nonchalance qui peut se dégager de la personnalité de certains artistes. Du côté du public, facile de se laisser transporter par les nappes très diffuses, l’effet d’apesanteur ou les ambiances de moins en moins émo et de plus en plus mielleuses. La recette est simple, et surtout, elle est aisément adaptable.
La révolution trap, l’évolution cloud
Il y a quelques années, les codes de la trap, originellement réservés à une scène bien localisée, ont finit par s’imposer sur l’ensemble de la sphère rap, et par permettre à d’autres sous-genres de se transformer et enfin se moderniser. Malgré une popularisation amenée différemment et des codes parfois trop spécifiques, la musique cloud a opéré le même type de développement tentaculaire que la trap, infiltrant toutes les couches du rap et s’ouvrant à une dimension pop inattendue, si l’on considère qu’à la base, le cloud est aussi le support de tous types de bizarreries et d’expérimentations.
S’il n’a pas perdu son identité, une frange encore importante d’artistes continuant à explorer le champ des possibles offert par les sonorités atmosphériques, il s’est en revanche beaucoup dilué pour entrer dans les cases de la musique mainstream. C’est malheureusement le prix à payer par cette musique pour endosser le rôle de nouvelle norme du rap français. Face à une forme d’uniformisation d’un genre originellement très varié, la tendance pourrait faire marche arrière et se re-diversifier en ré-explorant ses courants déjà visités (new-age, trippy, electro) ou en allant chercher de nouvelles inspirations, voire de nouveaux couplages avec des sonorités ayant émergé ces dernières années.
De la même manière que l’arrivée de la trap a redynamisé le rap français en 2013-2014, l’arrivée de la tendance cloud a permis d’élargir les possibilités et d’offrir à nos artistes une palette d’ambiances toujours plus large. Idéal pour mettre en valeur la propension des rappeurs au chant sous autotune et l’attirance du public pour les morceaux planants, le cloud-rap à la française a soufflé un vent de fraîcheur chez nous, même s’il n’a finalement plus tellement de points en commun avec le style dont il est issu.