On revient deux décennies en arrière pour célébrer les 20 ans d'un album clairement sous-estimé en son temps : "113 Fout la merde", le deuxième disque du groupe formé par Rim'K, AP et Mokobé.
Quand on parle du 113, on évoque tous quasiment systématiquement le premier album du groupe, Les Princes de la ville sorti en 1999. En même temps c'est normal tant ce disque a marqué l'Histoire du rap français de son empreinte. Grâce aux formidables talents croisés de Rim'K, AP et Mokobé, sans oublier le travail d’orfèvre d'un génie du son, le regretté DJ Mehdi, l'album est resté et restera à jamais dans les annales de la culture. Tonton du Bled, Jackpot 2000, Main dans la main ou encore le morceau éponyme et premier single clippé de l'album sont autant de titres qui aujourd'hui encore demeurent dans les playlists de nombreux fans de rap fr.
Pourtant, résumer la carrière du trio de Vitry à ce simple classique serait faire injure au reste de leur œuvre musical. Car même si aucun de leurs projets suivants n'a connu un succès commercial similaire au premier, leur deuxième opus, 113 fout la merde reste une pièce maîtresse de leur discographie. Et puisqu'on en parle, ça tombe bien car l'album fête son vingtième anniversaire ce 12 mars 2022. On ne pouvait donc pas résister à l'envie d'y revenir.
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Le 113 au sommet
Petite remise en contexte : en 2002, le 113 est au sommet du rap français. Les princes de la ville rayonnent tellement après le succès de leur premier disque que deux ans plus tôt, ils remportent carrément deux Victoires de la Musique. La première pour le meilleur album de rap et une seconde en tant que révélation de l'année (tous styles confondus). Un véritable exploit quand on sait qu'à l'aube des années 2000, le rap n'avait clairement pas la popularité qu'il a aujourd'hui. Avec une telle reconnaissance donnée à l'époque, on en oublierait presque que l'institution de référence de la musique française est aujourd'hui plus que jamais sous le feu des critiques pour sa mauvaise représentation de la culture hip-hop.
Bref, le 11 mars 2000, lors de la cérémonie organisée au Zénith de Paris et animée par le seigneur de la télévision française, Michel Drucker, Mokobé, Rim'K et AP débarquent sur scène comme personne ne l'avait jamais fait avant. Non pas en Y comme Jul, mais au volant d'une Peugeot 504, celle déjà présente dans le clip de Tonton du Bled. Bien sûr, ils ne viennent pas pour faire de la figuration, mais pour interpréter leur tube en live avec Cut Killer aux platines.
L'idée de cette performance était simple : choquer la France et foutre la merde dans les sphères les plus traditionnelles de la musique française. Avec le recul, on ne doute pas une seconde que ce moment historique des Victoires les aura inspirés pour le titre et la direction artistique de leur deuxième album. 113 Fout La Merde : un projet porteur de grandes espérances, mais dont les retombées et le succès se sont finalement avérés bien en dessous des attentes.
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Album audacieux, succès mitigé
Quand ce deuxième album sort, le 113 ne sait malheureusement pas encore qu'après avoir fourvoyé les radios et obtenu par deux fois la récompense ultime de l'industrie musicale française, il ne feront jamais mieux qu'à leur début. Un destin injuste quand on sait que ce sophomore est pourtant le prolongement logique et créatif de leur premier opus.
A la baguette, on retrouve de nouveau le (déjà) grand DJ Mehdi, à qui l'on doit assurément en grande partie le succès de l'album de 1999. Après avoir fait les beaux jours du rap conscient aux côtés d'Idéal J et de la Mafia K'1 Fry le producteur, en s'associant avec le 113, s'est offert le support parfait pour faire valoir sa créativité artistique. Il abandonne les teintes sombres du rap de rue des années 90 qu'il exploitait, pour laisser place à des sonorités plus festives, lumineuses, fédératrices et complètement débridées. Une vibe tout simplement à l'image du groupe quand on y pense.
Habitué à ne jamais rester dans sa zone de confort et toujours chercher à élargir son spectre musical, le producteur a donné à ce deuxième opus du 113, une touche plus électro et synthétique que son prédécesseur. Un choix mûrement réfléchi alors que lui-même venait de sortir son album The Story of Espion également dans cette veine-là.
Ainsi donc, les quinze titres de ce disque flirtent davantage avec la musique électronique qu'avec les sonorités hip-hop traditionnel. Toujours dans cette optique visionnaire qui est de « sampler ce que les autres ne samplent pas », il prend plaisir à mélanger d'obscurs échantillons de soul, de raï et d'autres musiques d'inspiration orientales à des nappes de synthé frénétiques. En 2002, on pouvait clairement appeler ça de l'avant-garde puisque contrairement à aujourd'hui où tous les styles se croisent les uns les autres, les mélanges entre genres musicaux à première vue antinomiques étaient loin d'être monnaie courante à l'époque, et encore moins dans le rap.
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Au paroxysme de l'audace exponentielle et inarrêtable de DJ Mehdi, le single 113 Fout la merde, en collaboration avec Thomas Bangalter. Considéré par le journaliste Mouloud Achour comme « la collaboration la plus LSD de l'Histoire du rap français, ce morceau fait le pari osé d'un délire inédit entre hip-hop et la french touch. Imaginez un peu la tête des gens, à une époque où le rap était encore très codifié, connoté street et sortait rarement de ses racines, lorsqu'ils ont entendu pour la première fois la voix robotique du Daft Punk faire les louanges du groupe de Vitry sur un refrain autotuné. Clairement à l'époque, le monde n'était pas prêt. C'est peut-être d'ailleurs justement parce qu'il était en avance sur son temps que l'album n'a pas eu le succès escompté.
Mais en dépit du culot sonore dont a fait preuve ce disque, il reste urbain dans l'âme et demeure quoi qu'on en dise un album de hip-hop pur jus. Avec déjà dix ans de rap au compteur, soyez sûr que Rim'K, AP & Mokobé font le job avec leurs flows de loubards rauques et braillards. Porte-paroles de la réalité du quotidien blédard et banlieusard, nos trois MC n'hésitent pas à parler sans équivoque de choses graves, mais toujours avec le cœur en fête et un soupçon d'humour.
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Pour les accompagner et les aider à foutre le darwa, on retrouve comme trois ans auparavant la Mafia K'1 Fry, via les participations au micro de Rohff, Karlito et Manu Key, mais également un autre groupe phare de l'époque, la Fonky Family par l'intermédiaire de Don Choa et du Rat Luciano. Le duo marseillais découpe et perfore l'instru du morceau On roule, on rôde. Le chanteur de reggae / dancehall parisien Daddy Mory est également de la partie pour ajouter une touche d'exotisme au cocktail.
Malgré toute notre bonne volonté à réhabiliter cet album parmi les grands disques de l'Histoire du rap français, 113 Fout la Merde n'a jamais obtenu ces lettres de noblesse en son temps. La faute sans doute à un excès d'audace couplé à une absence de hits au moins aussi marquant que Tonton du Bled. Tout de même, l'album sera certifié disque d'or, ce qui équivaut à des ventes comprises entre 100 et 200 000 exemplaires à l'époque. A titre de comparaison, Les Princes de la Ville s'est écoulé à 350 000 exemplaires et a décroché un disque de platine.
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Signe que le groupe s'attendait à de meilleures performances commerciales suite à leur percée auprès du grand public, ils corrigeront le tir l'année suivante avec une réédition du projet prophétiquement intitulé 113 dans l'urgence. Au menu ? Le meilleur du disque initial + six inédits et un remix produit par DJ Wick et Raf du Gang du Lyonnais. DJ Mehdi leur a également laissé la main pour la prod du single Au summum qui s'il n'a pas atteint l'éclat qu'a connu Tonton du Bled, s'est imposé comme l'un des tubes de l'été 2003. Le move est beau, mais ça ne sera malheureusement pas suffisant pour renouer avec le succès de leur premier album. Cela n'a pas vraiment d'importance puisque ça n'a pas empêché le 113 de réussir et de se faire une place au Panthéon des plus emblématiques formations de l'Histoire du rap français.