
Trois ans après son dernier projet, Kofs est enfin de retour dans les bacs, et il a faim.
Rappeur de l’ombre dans la deuxième moitié des années 2000, acteur prometteur dans Chouf en 2016, espoir de la scène rap de Marseille à partir de 2018, avant de faire chanter la France entière avec Bande Organisée en 2020 : Kofs est un artiste à la trajectoire très singulière. Alors que 3 années pleines se sont écoulées depuis la sortie de son dernier projet, le rappeur livre enfin un nouvel album ce vendredi 3 février. Intitulé Matrixé, ce disque conséquent (21 pistes) pourrait lui permettre de franchir une nouvelle étape dans son parcours.
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Un rappeur qui prend son temps
A l’heure où les carrières se font et se défont dans la même année, l’absence de Kofs pendant une si longue période a de quoi surprendre. L’explication est donnée directement par le rappeur via son compte instagram : “cet album, c’est mes doutes, mes envies, mon quartier, ma famille, mes amis. J’ai pris le temps de bien faire les choses. Un artiste sans son public n’est rien”. On a donc affaire à un garçon qui a préféré risquer de laisser le terrain à d’autres plutôt que de l’occuper coûte que coûte.
Il aurait pourtant été facile pour le marseillais de capitaliser sur le succès de Bande Organisée. Son couplet, situé directement après l’entrée spectaculaire de Sch, a marqué les esprits, et certaines de ses phases sont directement entrées dans l’imaginaire collectif. Pourtant, Kofs a pris le soin de ne pas devenir “le rappeur de Bande Organisée”. Mieux, il a su s’en détacher tout en jouant le jeu, à l’image de son inattendu mais efficace “J’ai passé la bague à Tchikita, deux mois après, j’l’ai déjà quittée / Alors p’tit bâtard, tu croyais qu’j’allais t’faire le même couplet ?”.
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Du point de vue d’un auditeur, l’impatience peut parfois prendre le pas, mais à l’heure actuelle, on ne peut que saluer la décision de Kofs de miser sur la qualité et la consistance plutôt que sur la quantité. Avec ce nouvel album, le marseillais est face à un défi majeur : son véritable statut va être grandement déterminé par la réussite ou l’échec de Matrixé. Rappeur médiatisé et bien installé dans le paysage musical français, Kofs ne peut pas encore prétendre à une position de grosse tête d’affiche comparable à celle d’un Jul ou d’un Sch. Pourtant, il a déjà prouvé à de nombreuses reprises qu’il était capable de jouer dans la même cour, que ce soit par ses participations marquantes à différents morceaux collectifs (Bande et Classico organisés, Loi de la calle, RS4 avec Benab et et Timal), ou par sa capacité à enchaîner les hits (CMBB, Trafiquinté, Dans la Cité).
Une progression constante
Si Kofs a fait le choix de peaufiner son produit dans le temps, c’est aussi parce qu’il a placé la barre suffisamment haute avec son précédent projet, et que redescendre d’un étage servirait difficilement ses intérêts. Avec ses moments de pure introspection (“je parle pas beaucoup j’observe et j’analyse”), ses passages touchants (“j'regarde les photos de papa, je pleure et je me dis "pourquoi ?"”), et ses bonnes vannes (“parle bien ou je vais faire un clip et mettre ta sœur en insert”), Santé et Bonheur, publié en février 2020, a prouvé que Kofs était capable de construire un album solide, consistant, et varié dans les sonorités tout en restant parfaitement cohérent. Enchaîner avec un projet moins convaincant aurait représenté un pas en arrière, et mis à mal la crédibilité artistique du marseillais.
Si on retient en premier lieu de Kofs sa voix puissante ou son interprétation nerveuse, le plus remarquable reste sa capacité à effectuer une progression nette à chaque nouveau projet. Affirmant peu à peu son identité artistique, sa technique s’est assouplie en même temps que son écriture s’est affinée. Étant donné le niveau franchement honorable de Santé et Bonheur, on ne peut qu’être confiant pour la suite, surtout en sachant que son auteur a pris tout le temps nécessaire pour livrer un nouveau projet à la hauteur.
Si Kofs est si confiant en affirmant avoir “bien fait les choses” avec son nouvel album, Matrixé, c’est aussi parce qu’il a gagné en expérience de projet en projet. Confronté régulièrement en featuring à de véritables outshineurs (Kaaris, Sch, Le Rat Luciano, etc), il a dû hausser son niveau de performance et prouver qu’il avait le niveau pour se mesurer à des artistes d’un tel calibre. L’examen a été passé haut la main à chaque fois, et ce n’est pas un hasard si Kofs a choisi une collaboration avec un autre champion des featurings comme premier extrait de ce nouvel album.
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Témoin de son époque et de sa ville
La tonalité de ce premier extrait est d’ailleurs rassurante pour les auditeurs plus convaincus par des titres denses comme La Nuit que par des singles ensoleillés comme Dans la Cité. La palette de Kofs, très large, le pousse en effet parfois à se produire sur des titres aux couleurs totalement opposées. Sa proposition artistique balayant tous les spectres du rap français actuel résume à elle-seule la diversité de la scène marseillaise en 2023.
Produire des projets aussi longs que Matrixé (21 titres) ou Santé et Bonheur (16 titres) permet donc à Kofs d’explorer chacune des facettes de sa personnalité artistique, mais aussi de relater chacun des récits de son existence. Fruit de l’environnement marseillais, témoin de la violence de la rue et de l’amour des siens, le rappeur raconte son époque et sa ville sans le moindre filtre.