L'IA s'immisce dans le rap (et ça fait un peu flipper)

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L'IA s'immisce dans le rap (et ça fait un peu flipper)

Par
Montage Midjourney
Montage Midjourney

L’intelligence artificielle se fait une place dans la création artistique, y compris dans le rap. Faut-il voir ces programmes comme une menace pour les artistes ?

L’intelligence artificielle a longtemps fait fantasmer les scientifiques, les auteurs de science-fiction, les industriels et les cinéastes. Des premiers automates conceptualisés dès l’antiquité à la voiture autonome d’Elon Musk, la recherche a fait des progrès spectaculaires, qui s’appliquent de plus en plus concrètement. L’IA s’intègre progressivement dans le quotidien de tout un chacun, et la place qu’elle occupe commence même à devenir inquiétante. En autorisant Ok Google, Siri ou Alexa à interagir avec nous, ou en permettant à ChatGPT d’apprendre à notre contact, nous acceptons implicitement les risques du développement d’une telle intelligence.

Le champ de la création artistique, et en particulier celui de la musique, semblait épargné par l’évolution de ces technologies. Si un robot peut remplacer un chauffeur, un livreur voire un cuisinier, il semblait impensable de voir des artistes ou des rappeurs perdre leur métier au profit d’une IA. On a commencé à se poser des questions quand un programme comme DALL-E s’est montré capable de réaliser le travail de graphistes, dessinateurs et peintres. Même si des questions se posent sur la nature véritable de ces créations, certains estimant qu’il ne s’agit pas d’art à proprement parler, il est indéniable que le résultat est parfois bluffant.

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Après l’art visuel, le prochain domaine créatif à être pris d’assaut par les intelligences artificielles est la musique. Les applications potentielles sont nombreuses : DJ virtuel, composition automatisée d’instrumentales, écriture artificielle de textes, et même création de musique. Les exemples attestant de la capacité des IA à réaliser les mêmes performances que de véritables rappeurs sont déjà légion. S’agit-il d’une simple curiosité sans véritables conséquences, ou d’un nouveau modèle prêt à bouleverser en profondeur le monde de la musique ?

Quand l’IA prend le contrôle

Ces derniers jours, deux petits évènements ont illustré les possibilités de développement de l’intelligence artificielle dans le rap. Le premier cas est celui de David Guetta, qui a simplement combiné deux sites web : il a demandé au premier de “créer une phrase dans le style d’Eminem”, puis au second de recréer la voix du rappeur et de prononcer cette phrase. C’est aussi simple que cela, et c’est à la portée de n’importe qui.

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Le deuxième cas est encore plus impressionnant. Dans une vidéo publiée sur instagram, le producteur américain GengarCade utilise un filtre vocal pour produire une imitation quasi-parfaite de Kendrick Lamar.

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Après cet essai concluant, GengarCade ne s’est pas arrêté là. Sa tentative suivante prouve qu’il n’y avait même pas besoin d’humain pour interpréter le morceau : il demande à un programme d’écrire un couplet de Playboy Carti ; puis à un autre programme d’interpréter le morceau.

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Évidemment, à partir du moment où on décide de s’amuser un peu, les possibilités sont infinies : on peut par exemple créer un morceau dans lequel Drake rappe sa haine des haricots -le pire, c’est que le couplet est franchement bien écrit.

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Avant même d’évoquer toutes les problématiques liées au respect des droits d’auteur ou à l’utilisation de la voix d’une personne sans son autorisation, une autre très grosse question se pose : existe-t-il des limites à la création ? Jusqu’ici, on a de la chance, GengarCade n’a fait que s’amuser avec des haricots. Imaginez simplement qu’une personne mal intentionnée reproduise le même type de schéma, en remplaçant “haricots” par une communauté religieuse, ethnique, ou sexuelle. Vous voyez le problème ? En trois clics, un leader d’extrême droite pourrait diffuser à des millions de personnes un hymne à la haine chanté par les plus grosses stars de la pop.

Quand l’IA reproduit le pire de l’humain

C’est un problème récurrent chez les intelligences artificielles conçues pour reproduire des comportements humains : tout part très vite en couilles. On se souvient par exemple de Tay, l’IA “à but conversationnel” lancée par Microsoft en 2016, qui devait “apprendre au contact des humains. Connectée à un compte twitter, elle a dû être désactivée seulement quelques heures après son lancement, certains utilisateurs étant parvenu à lui inculquer des valeurs peu recommandables. Le bot s’est donc mis à publier le pire de ce que l’humanité a créé : messages haineux, propagande nazie, complotisme, négationnisme, appel au génocide de certaines ethnies, etc.

Quand l’intelligence artificielle a mis le pied dans le monde du rap, le même type de situation ubuesque s’est produit. On est en 2019, le rappeur virtuel FN Meka utilise des algorithmes pour identifier les sonorités et les rythmiques les plus streamés, et générer une prod, des lyrics, et tout ce qui fait un morceau de musique -seule sa voix aurait alors été doublée par le véritable rappeur Kyle the Hooligan. Véritable phénomène sur TikTok, le personnage de FN Meka est devenu le premier rappeur généré par une IA à signer en maison de disques. Manque de pot, il est aussi devenu le premier à se faire virer de sa maison de disques.

En effet, s’il est représenté par l’avatar d’un personnage afro-américain, FN Meka a été créé par un concepteur d’origine asiatique, et exploité par un producteur blanc. On a donc très vite accusé le personnage de colporter des clichés, d’être une caricature, et surtout, d’utiliser le N-Word. Pour ne rien arranger, la communication, gérée par des humains et non par une IA, s’est avérée absolument catastrophique, avec notamment la publication de l’image du rappeur virtuel tabassé par un policier virtuel dans une cellule virtuelle. Résultat : une polémique bien réelle, des excuses publiques de la part de la maison de disques, et une fin de carrière immédiate pour FN Meka. Un comble, quand on se rappelle que le principal intérêt d’un tel personnage était, selon ses concepteurs, de permettre une carrière plus longue qu’avec de vrais artistes soumis au vieillissement.

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Quel avenir pour l’IA dans le rap ?

Jusqu’ici, peu d’expériences concluantes permettent d’attester de l’efficacité de l’intelligence artificielle dans le domaine du rap. Des applications ludiques sont possibles, comme cette initiative de Rap Minerz, qui a appris à une Intelligence artificielle à rapper en se basant sur plus de 200.000 couplets existants. Globalement, les expériences réussies restent de l’ordre de la pure démonstration, à l’image des productions de GengarCade citées plus haut. Si elles peuvent impressionner, elles n’ont pas encore de véritable application concrète. Les auditeurs sont-ils prêts à accepter massivement une proposition artistique entièrement factice ?

L’intelligence artificielle pourrait tout de même trouver de nombreuses applications pour les créateurs de musique, à condition d’être utilisée à bon escient. L’idée d’un rappeur entièrement virtuel pose question, car l’auditeur a tendance à s’attacher à la personnalité d’un artiste, chose que l’on peut difficilement simuler. En revanche, on peut très bien imaginer des artistes utiliser une IA pour produire plus facilement, trouver les bons accords, déterminer la bonne rime, voire même trouver l’inspiration. De la même manière que l’humain se facilite l’existence en utilisant un GPS pour se repérer, un assistant vocal pour gérer sa vie quotidienne, ou un filtre pour paraître plus attirant, le rappeur pourrait gagner du temps en laissant une IA écrire un couplet, déterminer une topline, ou composer un beat.

Reste à savoir si ce type de pratique permettra de libérer la créativité des artistes, ou au contraire si elle ne fera que renforcer le sentiment de musique préfabriquée qui se dégage de certains albums. Avec l’IA, tout le monde pourra rapper comme Kendrick Lamar, Eminem ou Nas. Est-ce pour autant qu’elle fera mieux que Damn, The Marshall Mathers LP, ou Illmatic ?