Le collectif ATK est de retour aux affaires en ce mois de décembre 2018, 20 ans après son grand classique, Heptagone. L’occasion de se replonger dans le contenu disque à la construction assez singulière.
Artiste : ATK (Antilop Sa, Axis, Cyanure, Fredy K, Freko Ding', Tacteel, Test)
Titre : Heptagone
Date de sortie : 1er octobre 1998
Format : Album
Ventes : environ 25000
En trois mots : sobre, varié, technique
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Etat des lieux
Collectif au sens large au milieu des années 90, avec une grosse vingtaine de membres répartis en sous-groupes, ATK compte à ses débuts des profils aussi variés que Metek, Freko Ding’, Pit Baccardi, Loko ou encore Matt Houston. A partir de 1995, le posse se resserre autour d’un noyau dur de 7 membres, et publie Micro Test, un court album distribué en vinyle. Ce n’est évidemment pas un raz-de-marée, mais cette première publication permet au groupe de se faire un nom et de fidéliser une petite fan-base. Quand Heptagone sort en 1998, le rap a définitivement explosé, abandonnant son statut de musique marginale pour passer à celui de courant dominant : déjà, le public rap se divise entre artistes jugés trop grand public, et groupes plus authentiques. ATK profite de cet état de fait pour s’imposer comme l’un des groupes underground les plus plébiscités par les amateurs de hip-hop.
Contenu
18 titres, dont une interlude non-rappée et deux titres courts (Intro et Pas de vie sans haine intro), pour un album d’un peu plus d’une heure au total. Un disque plutôt consistant, donc, d’autant que la majorité des autres pistes oscille entre 4 et 5 minutes, un minimum quand on veut offrir un peu de place à chacun des membres du groupe. La grande réussite d’Heptagone tient justement dans l’équilibre entre ses différentes auteurs, oscillant entre titres collectifs et titres solo. Surtout, les différentes personnalités tirent toutes l’album dans une direction, avec une tendance au sérieux contrebalancée par les extravagances de Freko Ding’, mais aussi par quelques titres aux thématiques plus légères (Burning Zone, Méfie-toi, et évidemment, l’Affaire Hot-Dog).
Accueil
Heptagone ne casse évidemment pas la baraque sur le plan des ventes, mais réussit tout de même un score inespéré pour un groupe si peu médiatisé, et totalement absent des playlists des grandes radios rap de l’époque -environ 25000 exemplaires écoulés, pas un mince exploit. Sur le plan critique, en revanche, c’est une belle réussite, puisque l’album conquiert rapidement le public le plus exigeant, et s’impose dès les premiers mois de son existence comme l’une des pièces à connaître pour tout auditeur un tant soit peu pointu. On retient alors notamment le soin apporté aux prods et au choix des samples, particulièrement en phase avec l’époque -petites boucles de piano, violon, samples soul.
Postérité
La nouvelle génération a déjà du mal à savoir qui sont la Fonky Family, Assassin ou Arsenik, alors imaginez avec un groupe qui était déjà réservé à un public averti en 1998. Cependant, l’album est rapidement entré en bonne place parmi la collection de classiques des auditeurs qui ont découvert Heptagone au moment de sa sortie
Héritage
Malgré quelques projets collectifs (les mixtapes Oxygène, puis un nouvel album en 2007), et pas mal de projets en solo, notamment pendant la première moitié des années 2000, ATK ne retrouve jamais réellement son mojo de 1998, et si ses membres restent actifs, ils sont plutôt affiliés à la scène underground parisienne qu’à la partie réellement visible de l'iceberg rap français. Les destinées sont ensuite diverses : le beatmaker Tacteel bosse avec TTC, Alizée et des groupes électro, Freko continue en solo avec un rythme discontinu, et réapparait avec une chaine youtube improbable des dernières années ; Test a bossé avec Metek, Sloa et Emotion Lafolie au sein du groupe Noir Fluo … Malheureusement, on doit rappeler la disparition tragique de Fredy K en 2007, et le bel hommage rendu par le collectif complet, accompagné de nombreux autre artistes, avec l’album FK pour toi
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Taux d’avant-gardisme : 20%
Totalement ancré dans son époque, en particulier sur la partie instrumentale, mais aussi sur le plan des thématiques, des flows, ou de l’écriture, Heptagone n’a pas révolutionné le rap français, et n’est pas réellement en avance sur le reste de la production rap au moment de sa sortie. Au contraire, cet album correspond en tous points à la définition du bon disque de rap des années 90 : on choisit les plus belles boucles de piano, on vise avant tout la démonstration technique et les variations de flows, et on mise sur des textes denses faits de rimes riches et de schémas bien huilés.
Taux d’obsolescence : 10%
Malgré son fort ancrage dans la fin des années 90, Heptagone est un disque suffisamment sobre pour résister à l’épreuve du temps : l’immense majorité des titres se réécoute parfaitement encore aujourd’hui, et étant données les évolutions du rap ces dernières années, on est même impressionné par l’audace et la maîtrise de certains flows. Quelques pistes ont plus mal vieilli, en particulier celles aux sonorités plus légères, comme Burning Zone.
Taux d’actualité du discours : 80% Dans l’ensemble, l’album aborde des thématiques assez générales, et donc peu soumises à l’épreuve du temps : beaucoup d’introspection ou de questionnements humains et sociétaux, mais peu de politique, et peu de références culturelles propres aux années 90. Il serait amusant d’entendre une version du titre “20 ans” écrite par un jeune de 2018, Cyanure se préoccupant à l’époque de ses études, de sa retraite et de son hypothétique ascension sociale, des thématiques encore actuelles, mais pas forcément très prégnantes chez les rappeurs de la nouvelle génération. On peut également imaginer les réactions face à certaines phases de Freko : le fameux “j'veux que tu sois, ma p'tite copine, ma copinette / et que j'me prenne pas la tête pour des clopinettes sinon j'te casse en deux” aurait probablement déclenché threads et hashtags vindicatifs en 2018.
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Avis 2018
Heptagone est à la fois un disque très représentatif d’une époque bien précise du rap français, et un album intemporel qui se réécoute très bien, deux décennies après sa sortie. Hormis un ou deux titres aux sonorités datées, l’ensemble, classique mais sophistiqué sur le plan des instrumentales, se démarque du reste de la production française grâce au panel de personnalités qui composent le crew ATK. A ranger bien au chaud dans votre bibliothèque au rayon classiques, et à ressortir pour fêter la sortie d’On fait comme on a dit, le nouvel album du groupe.