Le Code Noir, drôle de thème pour un opéra comique

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Le Code Noir, drôle de thème pour un opéra comique

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 Le Code Noir, opéra comique ressuscité par les Paladins, mise en scène de Jean-Pierre Baro
Le Code Noir, opéra comique ressuscité par les Paladins, mise en scène de Jean-Pierre Baro

Jérôme Correas et les Paladins ressuscitent à l’Opéra de Massy le Code Noir, opéra comique du XIXe siècle sur le thème de l’esclavage et de la libération de la femme. Tout un programme.

Monter aujourd’hui un opéra-comique de 1842 sur le thème de l’esclavage, le pari est osé. Le faire avec un compositeur inconnu au bataillon et une pièce tranquillement lovée dans les oubliettes de l’histoire de la musique depuis sa création, on frise la petite folie. Jérôme Correas et ses Paladins ont eu le courage de sortir la partition, de la lire, de s’y intéresser, et même de trouver des salles pour la proposer au public. Le tout en rassemblant sur scène plus d’artistes ultramarins que n’en n’ont vus bien des opéras en 100 ans. 

L’opéra est comique, son titre beaucoup moins : une référence au Code Noir, recueil de textes juridiques qui, du premier édit de 1685 à l’abolition de l’esclavage en 1848, définissent le statut d’esclave (un bien meuble, que l’on peut acheter et vendre, que l’on peut frapper et tuer au besoin, et dont les enfants sont aussi esclaves, sauf exception). De ce triste objet, le compositeur Louis Clapisson et son librettiste Eugène Scribe tissent une histoire de jeune officier de marine qui découvre à son arrivée en Martinique que sa mère est esclave, et qu’il doit donc lui-même être mis en vente. Le tout sur fond de méli-mélo et quiproquos amoureux entre esclaves et maîtres.   

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Tombé assez vite dans l’oubli ( l’esclavage aboli six ans plus tard, la pièce tombe en désuétude ), le Code Noir nous renseigne sur la vie musicale au milieu du XIXe siècle : « cette musique est vraiment annonciatrice de la génération Bizet, Gounodon voit ce que ces compositeurs ont pu puiser dans la génération antérieure » commente Jérôme Correas. 

C’est peu dire que les sujets abordés ont une certaine résonance aujourd’hui, comme le souligne le chef des Paladins : « Aussi bien la condition des femmes, avec en particulier la femme du gouverneur - qui est aussi prisonnière que les esclaves le sont sur cette île de la Martinique - que les thèmes de l’esclavage, de l’émancipation, de la liberté… tous sont encore vivaces aujourd’hui ». 

Un thème dont l’écho résonne tout particulièrement chez la soprano Marie-Claude Bottius : « Pour moi ça a un sens particulier parce que je suis Martiniquaise, et donc dans mon histoire, il y a forcément eu des esclaves, donc je l’ai pris avec un grand respect et un grand honneur… ».

Le lien entre cet opéra  comique et l’histoire de l’esclavage est un moteur pour les artistes sur scène : la Brésilienne Luanda Siqueira, qui interprète Zoé, le Guadeloupéen Jean-Loup Pagesy (Palème) et Marie-Claude Bottius pour qui « on est tous vraiment très investis (...) c’est très fort de pouvoir être sur scène, de défendre cet opéra qui a un intérêt aussi bien historique, que musical, culturel et sociétal, il est pour nous d’une très grande force ».

Et si l’on est surpris de la présence, au XIXe siècle, de chanteurs noirs et métisses dans un opéra comique, on ne peut pas vraiment parler de leur omniprésence en 2020 : « nous ne sommes pas encore extrêmement connus en tant qu’artistes, même s’il y a quelques belles exceptions, commente Marie-Claude Bottius, il y a la question ultramarine, il y a aussi la question noire, et la question immigrée. Je pense qu’on peut interroger de la même manière des artistes originaires d’Asie. Toutes les minorités ont besoin d’être encore meilleurs pour accéder aux grandes  scènes nationales et internationales ».   

Les Paladins aimeraient bien faire voyager cette pièce dans les îles, justement. En attendant, on doit se contenter d’une seule date pour y assister : le 31 janvier à l’opéra de Massy.